Tous les médias ont récemment remarqué l’annonce de Bouygues Telecom de changer à partir du 15 février sa politique du fair-use par défaut pour une partie de ses abonnés. Une décision qui pourrait provoquer rapidement des mauvaises surprises du côté des montants des factures reçus par les particuliers, mais qui pousse aussi à s’interroger sur un changement éventuel de paradigme pour les acteurs télécoms français.
Jusqu’à présent Bouygues Telecom proposait à ses clients deux options en cas de dépassement de la limite de consommation data de leur forfait : le fair-use (par défaut), qui revient à limiter le débit internet après le dépassement, pour continuer à consulter ses e-mails par exemple tout en limitant l’effet surcoût ; et la possibilité de « recharger » 500 Mo ou 1 Go de data en payant d’une seule fois quelques euros. Depuis le 15 février, une nouvelle option est disponible et, surtout, s’active par défaut : le dépassement sans limitation de débit, avec facturation au mégaoctet consommé. Certains médias ont fait le calcul : même avec les garde-fous annoncés par Bouygues Telecom (des notifications par SMS notamment), un forfait 1 Go à moins de 15 euros pourrait monter à presque 40 euros, dans certains cas. Pour le consommateur averti, il sera possible d’activer de nouveau le fair-use, mais celui-ci ne se fera plus par défaut, avec au passage le risque de confusions et mauvaises surprises pour les moins attentifs.
Pour résumer Bouygues propose, dans les offres illimitées, à l’atteinte d’un seuil de consommation, soit une réduction de la bande passante, soit de basculer sur des offres compteur en achetant de la capacité. La nouveauté et le danger étant que Bouygues met en œuvre cette seconde option par défaut.
« Le principe du Fair Use existe bien à l’étranger, mais comparativement, le niveau tarifaire des offres mobile data disponibles aux Etats Unis est environ 2 fois plus cher que celui rencontré en France avec des tarifs de dépassement plus modestes (de l’ordre de $10 par Go). Les changements opérés par Bouygues Telecom semblent être un réajustement silencieux dans un des marchés offrants parmi les prix les plus bas au monde ».
En changeant, en partie, de politique, Bouygues Telecom change en fait une règle implicite et ouvre la porte à de nouvelles pratiques, qui pourraient changer le paysage télécom français.
Depuis plusieurs années, l’Europe met sous pression les opérateurs télécoms pour avancer sur le sujet du Data Roaming, les surcoûts provoqués par la consommation de données sur mobile hors des frontières nationales. En l’occurrence, ces coûts disparaitront prochainement au sein de l’Union Européenne, un progrès notable. Les débats ont cependant fait prendre conscience à beaucoup d’entreprises que suivre finement les usages télécoms des collaborateurs était plus que jamais d’actualité. De plus en plus de responsable télécoms et de managers se donnent ainsi les moyens d’éviter les « Bill Shock », une facture démesurée à la fin du mois liée à la consommation de la data. Leurs sociétés s’équipent de logiciels et d’applications pour leurs utilisateurs, suffisamment ergonomiques et intuitifs, pour à la fois maîtriser les usages et sensibiliser leurs équipes. Doit-on voir la même logique se diffuser rapidement chez les individus à titre privé ? Si le changement des règles du fair-use devient une réalité en France, il faudra prendre l’habitude d’avoir une vision claire, en temps réel, de sa consommation de data mobile, le tout par l’intermédiaire d’applications simples d’utilisation. Et en la matière, s’inspirer des solutions utilisées par les entreprises ces dernières années ne sera pas de trop.
Christian Cor, directeur associé Saaswedo