Quand la philosophie et les idées d’un créateur de start-ups, convaincu par l’Open Data et le logiciel libre, les méthodes agiles et les data sciences, arrivent à la nouvelle DSI de l’Etat, des changements culturels sont à prévoir. Rencontre avec HENRI VERDIER, dans ses nouveaux bureaux du 15ème arrondissement de Paris, où sont regroupés les différents services qu’il supervise.
Depuis le mois de septembre 2015, la DSI de l’Etat s’est réorganisée en une direction qui allie les fonctions d’une DSI et une mission de transformation numérique. Elle fusionne la Direction Interministérielle des Systèmes d’Information (DISIC, incluant le RIE), Etalab, qui coordonne l’action des services de l’État et de ses établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations, l’incubateur de « startup d’Etats » et le pôle Innovation et services aux usagers. Trois mois après avoir pris ses fonctions, Henri Verdier nous explique la politique unifiée de ce nouvel ensemble, qui va des infrastructures les plus « structurantes » jusqu’aux stratégies d’action. Depuis le 22 septembre dernier, le décret relatif au secrétariat général pour la modernisation de l’action publique est entré en vigueur. Ce décret procède à une réorganisation du Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique au sein de deux directions nouvelles : la direction interministérielle pour l’accompagnement des transformations publiques et la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC).
« Il faut être sûr qu’on investit autant sur nos infrastructures si l’on veut continuer à développer les usages. »
Dans sa mission officielle telle que décrite dans ce décret, la Dinsic doit orienter, animer et coordonner « les actions des administrations de l’Etat visant à améliorer la qualité, l’efficacité, l’efficience et la fiabilité du service rendu par le système d’information et de communication de l’Etat et ceux des autres autorités administratives. » Elle doit aussi coordonner l’action des administrations de l’Etat et leur apporter son appui pour faciliter la réutilisation de leurs informations. Autre mission : favoriser le développement de l’administration numérique. « A cet effet, elle propose les mesures tendant à la dématérialisation des procédures administratives », indique le décret. Enfin, à sa charge également : le développement, à destination des usagers et des citoyens, des services numériques. Voilà pour la théorie. Mais la DINSIC c’est avant tout un homme, Henri Verdier, qui souhaite impulser une nouvelle dynamique et une nouvelle philosophie à l’Etat « numérique ».
Faire parler back-end et front end
Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, Henri Verdier a un fil rouge qui le guide tout au long de sa carrière, tant dans le privé que dans le public : « la transformation des organisations pour faire face au numérique ». C’est « l’engagement constant de mes 20 dernières années », résume-t-il. Des années passées dans le privé chez Odile Jacob Multimédia dont il a été le fondateur et le DG, chez Lagardère Active (directeur de l’innovation), à l’institut Télécom (directeur de la prospective), chez MFG-Labs (une société spécialisée dans le Big Data, dont il a été l’un des trois co-fondateurs) ou encore au pôle de compétitivité Cap Digital qu’il a présidé pendant 6 ans. Dans le public, il a dirigé Etalab, service de l’Etat chargé de l’ouverture des données publiques, avant de prendre ses fonctions à la DINSIC, et depuis septembre 2014, il est également Administrateur Général des Données.
Henri Verdier revendique une autre constante dans sa vie : « l’apprentissage par l’action », qu’il soutenait déjà chez Odile Jacob Multimédia quand il développait les CD-ROM d’enseignement de la pédagogie « La Main à la pâte ». Savoir coder – Henri Verdier a tâté du basic et du C++ lui-même, et plaide pour l’apprentissage de la programmation à l’école – le code, les applications mobiles, être blogueur, travailler son compte Twitter…, « c’est aussi une manière d’être actif dans le numérique. J’ai une longue culture dans le numérique, mais plus côté front end, usage, design, « consumer internet », média », nous confie-il, avant de préciser « mais le back-end et le front end doivent se parler, c’est comme le yin et le yang, l’un ne marche pas sans l’autre. »
« Garantir au Premier ministre que nous ne sommes pas en train de refaire un éléphant blanc qui va foncer dans le mur dans 5 ans.»
L’Etat et l’informatique : où en est-on ?
« L’Etat a une longue histoire avec l’informatique. C’est lui qui fonde l’informatique à la française dans les années 70. Et il l’utilise. En ce moment même, on caracole en tête des classements internationaux en matière de e-gouvernement », indique-t-il, et de citer en exemple le service impots. gouv.fr. Côté administration numérique, « la France est plutôt bonne », analyse-t-il. Côté informatique, « on a clairement sous-investi depuis quelques années, mais ça tient encore ». Avec une grosse organisation comme celle de l’Etat, « il est très difficile de refaire un back end complet. Ce n’est pas propre à l’Etat, et c’est tout aussi difficile dans une banque, par exemple ». Cela sera un des sujets pour la DINSIC : quelles sont les méthodes à acclimater dans l’Etat pour conduire de très grands projets d’une manière plus agile. Pour Henri Verdier, il faudra sans doute en passer par le « middle-out, comme l’appellent certains grands architectes, avec une respiration plus grande entre la hiérarchie et la base, et avec une délivrance de valeur qui commence plus vite et qui se dévoile donc plus progressivement. » Aucun projet, estime Henri Verdier, ne devrait passer de longues années avant de prouver qu’il est en train de produire des résultats.