À l’aube de 2025, l’identité numérique s’apprête à connaître une évolution majeure en Europe. Le déploiement des portefeuilles d’identité numérique européens (EUDI), porté par le règlement eIDAS 2.0, vise à transformer en profondeur les démarches d’authentification traditionnelles.
Face aux défis émergents, notamment la menace de l’IA générative dans la fraude à l’identité, l’UE renforce son arsenal réglementaire, tandis que la blockchain s’impose comme une solution d’avenir. Cyril Patou, VP Sales France d’IDnow, un fournisseur de plateformes de vérification d’identité en Europe, dresse un état des lieux des grandes tendances qui façonneront notre identité numérique en 2025.
L’avènement des portefeuilles d’identité numérique se poursuit
Grâce au nouveau règlement eIDAS 2.0, le recours à l’identité numérique est sur le point de transformer radicalement la manière dont les citoyens européens stockent et partagent leurs documents d’identité. Selon Gartner, près de 500 millions d’utilisateurs de smartphones dans le monde disposeront d’un portefeuille d’identité numérique d’ici ) 2026, et parmi eux, les utilisateurs européens du portefeuille d’identité numérique européen, EUDI Wallet. Ce « EUDI Wallet » ne remplacera pas simplement les documents d’identité (carte d’identité, passeport…), mais s’imposera comme un véritable outil multifonctionnel qui permettra de conserver et envoyer une multitude de documents et d’informations
personnelles, allant du permis de conduire aux numéros fiscaux, en passant par les diplômes universitaires.
Les États membres de l’UE auront 24 mois, à partir de l’entrée en vigueur des actes d’exécution actuellement en cours d’élaboration, pour déployer le portefeuille, ce qui devrait intervenir entre 2026 et 2027. En France, c’est France Identité, qui a récemment été notifié par la Commission européenne comme étant conforme aux exigences relatives au niveau de garantie élevé exigé par l’UE, qui sera en charge de la mise à disposition du portefeuille.
Les impacts du recours à une telle solution seront considérables dans de nombreux secteurs : voyages, services administratifs, éducation, santé, et même protection des mineurs en ligne. En outre, les signatures électroniques qualifiées deviendront de plus en plus accessibles grâce au portefeuille EUDI et à d’autres solutions de portefeuille, ce qui fera croître le marché qui atteindra 42,08 milliards de dollars en 2032, contre 2,43 milliards de dollars aujourd’hui.
La GenAI, talon d’Achille de la lutte contre la fraude ?
Aujourd’hui véritable allié des cybercriminels, l’avènement de l’intelligence artificielle générative (GenAI) offre de nouvelles perspectives en matière de fraude : deepfakes, ingénierie sociale… Les attaquants peuvent aujourd’hui reproduire des expressions faciales, des micro-mouvements du visage ou encore des clignements d’œil avec une précision déconcertante, capables de tromper certains des algorithmes les plus sophistiqués. Cette avancée majeure représente une menace de taille pour le secteur, notamment pour ce qui est de la vérification d’identité.
Pour s’en protéger au maximum, les experts recommandent l’adoption d’une approche holistique et d’une défense multicouche en ayant par exemple recours à des technologies types NFC pour la vérification des documents, la vérification de bases de données telles que les listes de contrôle des sanctions LCB-FT et PPE, ou encore la vérification d’IBAN.
Quoi qu’il en soit, la course à l’armement en matière d’IA et de LLM est lancée, et les fournisseurs de services de vérification d’identité utilisent les dernières technologies à disposition pour renforcer leurs capacités de détection des fraudes.
Une réglementation européenne qui continue d’évoluer
Le paysage réglementaire européen en matière de cybersécurité et de lutte contre le blanchiment d’argent devient drastiquement plus complexe et strict avec l’émergence de régulations et réglementations telles que NIS2, AMLR ou encore DORA. Les institutions financières, notamment les banques, sont contraintes à une transformation profonde de leurs pratiques de conformité pour répondre à ces nouvelles exigences.
À partir de 2025, une nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment d’argent, basée à Francfort, centralisera ces efforts à l’échelle européenne. Parallèlement, le Digital Services Act (DSA) renforcera les obligations de vérification de l’âge des utilisateurs, une problématique qui sera largement facilitée par l’adoption des portefeuilles EUDI, et dont l’ARCOM s’est déjà largement saisie en France, avec l’adoption, en octobre dernier, d’un référentiel technique sur la vérification de l’âge pour la protection des mineurs contre la pornographie en ligne.
La Blockchain pour lutter contre le blanchiment d’argent
Alors que le Forum économique mondial prévoit que 10 % du PIB mondial soit tokenisé d’ici à 2027, la technologie blockchain pourrait se révéler être un allié de taille dans la lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent. Grâce à des avantages technologiques non négligeables (enregistrements cryptés et horodatés, suivi financier en temps réel, etc.) la blockchain est destinée à jouer un rôle majeur dans la prévention de ce type de crimes. En outre, elle permet d’intégrer des contrats intelligents dans l’écosystème financier, rationalisant et renforçant ainsi des processus de vérification tels que le KYC.
Consciente de l’importance grandissante d’une technologie comme la blockchain, la Commission européenne a lancé le projet European Blockchain Sandbox destiné à définir un cadre législatif pour permettre d’accélérer le développement et l’adoption de cette technologie. Les solutions proposées dans le cadre de ce projet permettront non seulement de répondre aux préoccupations en matière de respect de la vie privée, de connaissance du client et d’interopérabilité, mais aussi de renforcer la confiance dans un écosystème technologique relativement nouveau