De passage à Paris, l’executive vice president Cloud CX (Customer Expérience) d’Oracle s’est prêté au jeu de l’interview avec Solutions Numériques & Cybersécurité. Au menu, intelligence artificielle, processus de bout en bout et adaptabilité des modèles au contexte de l’utilisateur.
SNC : Pouvez-vous nous présenter cette activité Customer Expérience que vous dirigez chez Oracle ?
Rob Tarkoff : CX, chez Oracle, concerne tout ce qui est « front office », toutes les applications qui touchent le client final ou les employés qui, au sein d’une entreprise, sont en contact avec le client final, par opposition avec les applications « back office » : ERP, solutions RH, gestion de la supply chain… ce à quoi on associe généralement Oracle. Oracle CX s’est constitué en grande partie par le biais d’une série d’acquisitions, en rachetant le numéro un ou le numéro deux dans tous les domaines de l’expérience client. Notre travail consistait à aligner notre activité de « front office » avec la proposition de valeur de la suite complète afin de proposer des solutions qui exploitent les processus ou les données du « back-office » pour transformer réellement l’expérience client. Il est essentiel d’en faire un processus de bout-en-bout, qui connecte par exemple la réception des demandes de service client à la gestion de la répartition et de l’acheminement des techniciens, au système de maintenance et à l’inventaire des pièces de rechange. Parce que si vous n’avez pas la pièce faute d’un lien solide avec votre chaîne d’approvisionnement ou votre système de gestion des stocks, vous fournissez une mauvaise expérience client.
Donc la partie CX doit être connectée avec cette partie « back office », avec un ERP par exemple ?
Exactement. Prenons un autre exemple. Imaginez une entreprise qui veut passer d’un modèle commercial transactionnel à un modèle commercial d’abonnement récurrent… Ce que beaucoup d’entreprises font aujourd’hui. C’est un sujet « Sales », avec en bout de chaîne la satisfaction du client, qui doit pouvoir comprendre quelles sont les différentes options d’achat. Mais il implique le back-office car vous devez comprendre la facturation, la solvabilité, l’historique des paiements, les revenus. Pour nous, il ne faut pas penser le marketing, le service client ou les ventes comme des éléments isolés et c’est avec cette interconnexion du front office et du back office qu’Oracle peut apporter le plus de valeur.
Outre vos autres solutions, les clients utilisent sûrement ici le CRM d’un concurrent, là la suite marketing d’un autre. Est-ce que l’intégration à grands renforts d’API reste le nerf de la guerre ?
En effet, beaucoup de nos clients ont plusieurs fournisseurs et nous proposons des connecteurs. Toutefois, nous pensons qu’au fil du temps le besoin de plusieurs fournisseurs diminuera. Une grande partie de l’innovation en matière d’expérience client vient l’IA générative. Les entreprises vont donc réfléchir à la centralisation de leurs données afin d’exécuter efficacement des modèles de GenAI. Donc réduire à terme le nombre de fournisseurs. Oracle a récemment lancé une série d’innovations dans les domaines du service client et du service de terrain lors de CloudWorld à Las Vegas et c’est peu ou prou le sens de ces lancements : si vous voulez être en mesure d’automatiser une majeure partie de ces processus, il est vraiment essentiel que vos données soient bien organisées et structurées, et ce en quasi temps réel pour vos techniciens sur le terrain par exemple. Lorsque les entreprises veulent utiliser des modèles d’IA générative de manière sûre et efficace, elles doivent vraiment penser à la gestion de leurs données. Si elles déplacent des données dans et hors de différentes applications, c’est moins sécurisé, ça coûte plus cher et il est vraiment impossible d’avoir le type de performances et de faible latence que vous souhaitez. Nous avons 45 ans d’expérience dans le secteur des données, c’est pourquoi je pense que nous sommes les mieux positionnés pour cette prochaine vague de ce que j’appellerai « l’expérience client alimentée par l’IA ».
Puisque nous parlons d’IA, on a vu ces derniers mois vos concurrents faire de nombreuses acquisitions dans ce domaine, alors qu’Oracle a été plutôt silencieux sur le front des rachats. Quel est votre stratégie en la matière ?
A la différence de nombreux autres acteurs du secteur, nous chez Oracle entraînons et exécutons l’ensemble de notre suite d’applications sur notre propre infrastructure et nos propres bases de données. La plupart des entreprises d’IA choisissent Oracle comme lieu de formation et d’affinage de leurs modèles parce qu’ils peuvent les entraîner et les déployer à moindre coût, avec une meilleure sécurité, de meilleures performances et une latence plus faible. En retour, nous bénéficions de tous les différents modèles qui fonctionne sur notre cloud. Nous n’avons donc pas vraiment besoin d’acquérir des entreprises d’IA : les entreprises d’IA viennent à nous. Si nous devons faire des acquisitions, ce sera plutôt dans des domaines d’expertise spécifique, sur un vertical précis, la santé, la distribution d’eau ou les services publics par exemple. Nous sommes déjà présents dans de nombreux domaines, nous avons de nombreux employés qui comprennent très bien les enjeux d’industries spécifiques… mais cela dit, si nous remarquons un secteur sur lequel nous avons moins d’expertise, oui, une acquisition pourra être un objectif. Mais en termes de pure technologie, nous nous concentrons sur notre propre recherche et développement.
Comment permettez-vous à vos utilisateurs d’adapter ces modèles d’intelligence artificielle à leurs propres enjeux métier ?
Si je prends un peu de recul, tous les modèles d’aujourd’hui peuvent être paramétrés avec une ingénierie plus sophistiquée. Nous devons être en mesure de pouvoir modifier et améliorer les prompts en fonction de l’industrie concernée, et c’est là que l’expertise du domaine entre vraiment en jeu, car si vous comprenez les services financiers ou les soins de santé, vous savez comment concevoir les prompts adaptés pour que les modèles posent les bonnes questions et arrivent à la bonne réponse. En fin de compte, la qualité des modèles dépend de la qualité des prompts. Toutes nos applications sont conçues pour être extensibles, vous pouvez donc inclure n’importe quel processus de flux de travail ou toute capacité supplémentaire dont vous avez besoin en fonction de votre secteur. Au cœur de nos solutions CX, nous avons une solution CDP [Customer Data Platform], Unity, livré avec de nombreux modèles préconfigurés et la possibilité pour les clients d’y intégrer leurs propres modèles.
Est-ce que selon vous l’IA générative rend obsolète le métier de data scientist ?
Non, je ne pense pas. Je pense qu’en fait les data scientists seront les personnes parfaites pour l’ingénierie des prompts. Tout d’abord, la plupart des environnements de prompts sont en Python, qui est un langage que les data scientists maîtrisent. Ensuite, être capable de régler et d’optimiser des modèles et des modèles par industrie et par processus va devenir une activité énorme et je pense que je pense que les data scientists sont les candidats parfaits pour être de grands ingénieurs de prompts. Des prompts scientists. Et nous aurons toujours un besoin de data scientists, car il y aura tellement de modèles différents que les tester, les ajuster et comprendre quel est le meilleur modèle pour votre cas d’utilisation nécessitera un data scientist. Parce que vous ne voulez pas mettre vos programmeurs sur la création d’une application entière et le prototypage de celle-ci avec cinq modèles différents. Cela prend trop de temps. Vous aurez donc besoin du data scientist pour jouer un rôle d’arbitre entre différents modèles disponibles.
Quelles sont les prochaines nouveautés sur CX Cloud ?
Notre activité CX a connu une sorte de renaissance grâce la croissance de l’IA générative. Ce que nous allons continuer à faire, c’est créer ces flux automatisés de bout en pour des fonctions qui sont traditionnellement disparates ou silotées. Nous l’avons fait pour le service de terrain et le service client, pour la transformation des modèles de revenus et nous allons désormais nous attacher à unifier ventes et marketing. Traditionnellement, les directeurs marketing achetaient un tas d’outils d’automatisation du marketing et les responsables des ventes achetaient un tas d’outils d’automatisation des ventes. Sans réfléchir aux intégrations. Ils travaillent à partir de différentes sources bases de données, les uns ont leur CRM, les autres leurs data warehouse pour les devis, etc. Bilan les marketeurs envoient aux ventes des prospects qu’ils pensent qualifiés, et les ventes répondront qu’ils ne peuvent rien en faire, que ces prospects ne sont pas qualifiés… Nous voulons donc élaborer des processus de bout en bout pour créer des campagnes marketing, en particulier pour les entreprises qui souhaitent vendre davantage à leur base installée de clients. Le marketing aura accès aux données des ventes à travers notre CDP pourra créer des opportunités qualifiées automatiquement qui entreront dans le système de vente. Et nous donnerons un aperçu complet aux ventes sur la façon dont le marketing a choisi et segmenté le public, décidé quel était le bon groupe pour lancer une campagne, et guiderons les commerciaux tout au long du processus de vente. Nous éliminons ainsi les barrières entre ventes et marketing grâce à des modèles unifiés. Et, pour en revenir à notre sujet précédent sur les multiples fournisseurs, Oracle fournit déjà la CDP, Unity, et le système de gestion des ventes : il n’y a donc aucune friction dans l’utilisation de ces modèles. Sachez que nous les utilisons déjà dans nos propres campagnes marketing auprès de notre base installée. Il ne faudrait pas que le cordonnier soit le plus mal chaussé : chez Oracle, nous sommes les premiers consommateurs de notre propre technologie, de nos solutions.