L’écosystème a fêté ce jeudi dans les locaux de Bpifrance les cinq ans du Plan Deeptech, lancé en 2019 dans le cadre de France 2030. La France s’enorgueillit aujourd’hui d’un tissu de plus de 2 000 startups deeptech, dont les innovations construisent le monde de demain.
Destiné à faire émerger des startups de la deeptech, et doté initialement de 3 milliards d’euros, le Plan Deeptech a pour objectif de faire de la France un acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle internationale. Depuis cinq ans, il porte trois ambitions : atteindre un objectif annuel de 500 startups créées ; accompagner leur croissance et construire les leaders industriels de demain par une mobilisation massive de moyens pour faire émerger 10 licornes d’ici à 2025 et 50 sites industriels par an à l’horizon 2030 ; dynamiser les écosystèmes d’innovation dans les territoires et par filière.
« J’ai trois bougies à souffler avec vous », a déclaré, lors de la soirée anniversaire, le directeur exécutif Innovation de Bpifrance, Paul-Francois Fournier : « La première est le résultat sur le nombre de startups deeptech : 340 créations en 2023. On était à peu près à 168 il y a cinq ans, on a fait la moitié du chemin. C’est bien, mais il nous reste l’autre moitié et toutes les ambitions pour la suite. Pour cela, nous avons besoin de la mobilisation de tous et l’arrivée des 29 PUI (ndlr : Pôles Universitaires d’Innovation) est un formidable moteur ». Ces 29 PUI disposent au total de 165 millions d’euros danse la cadre de France 2030, afin de renforcer la coopération entre l’université et les acteurs de l’innovation au niveau local.
De nouveaux profils chez les entrepreneurs
Plus de 1 300 startups ont été créées en cinq ans dans des secteurs stratégiques pour la réindustrialisation de la France. La croissance s’appuie principalement sur deux leviers:
– La hausse massive de la création de startups greentech, industrielles et au service de la souveraineté numérique, qui représentent désormais plus de 60% des startups deeptech. Leur nombre a augmenté de 86 % entre 2018 et 2024.
– L’émergence de nouveaux profils d’entrepreneurs , qui ne sont plus nécessairement issus du monde de la recherche, mais viennent s’associer à des chercheurs ou doctorants, ou valoriser une technologie pré-existante.
« La deuxième bougie, c’est les capitaux », a poursuivi le directeur exécutif Innovation. Le marché du capital risque se réoriente significativement vers la deeptech. « On est passé d’un milliard (ndlr : fonds levés en 2018) à un peu plus de 4 milliards, ce qui est tout de même significatif. Et nous avons fondamentalement transformé notre écosystème : 50 % des levées de fonds de la FrenchTech en 2023 se sont faites sur la deeptech ». Paul-François Fournier s’est par ailleurs réjoui du lancement, fin 2023, de France Deeptech, qui a permis de regrouper les principaux investisseurs et acteurs de la recherche autour d’une volonté de collaborer pour structurer une communauté engagée autour des entrepreneurs. La troisième bougie : un doublement de la part de marché de l’Europe dans les investissements depuis 2018, porté par une croissance continue du marché français.
Bâtir une industrie souveraine et durable
La France compte aujourd’hui 2 170 startups deeptech sur le territoire, dont 751 en Ile-de-France. Elles exploitent 143 sites industriels, dont 26 créés en 2023 (+73 % par rapport à 2022), qui sont fortement liés aux thématiques d’innovation au niveau local. Par exemple, ROSI Solar a installé un site industriel en Isère pour recycler le silicium des panneaux solaires, Quandela a ouvert un site sur le plateau de Saclay pour fabriquer des ordinateurs quantiques, et la start up Lhyfe a contribué à la naissance de deux nouveaux sites de production d’hydrogène vert dans le Morbihan et en Haute-Garonne.
Outre la dynamique territoriale, la deeptech fait émerger des acteurs de stature internationale, autour de trois axes stratégiques :
– Bâtir une industrie souveraine et durable avec des acteurs comme Ascendance Flight Technologies ou Verkor qui a annoncé un financement de 2 milliards d’euros en 2023 et l’ouverture de sa gigafactory de batteries dans le nord de la France, au cœur de la « vallée de la batterie »
– Assurer la santé et le bien-être de tous avec des acteurs comme Wandercraft (lire notre encadré ci-dessous), Moon Surgical, ou Amolyt Pharma
– Dessiner les contours du monde de demain, notamment dans le monde du quantique et de l’IA avec des startups comme Pasqal ou Mistral AI.
Un exosquelette personnel de marche
Un potentiel de 30 millions d’utilisateurs dans le monde pour l’exosquelette personnel de marche de Wandercraft
Ses fondateurs, Mathieu Masselin, Nicolas Simon, Alexandre Boulanger et Jean-Louis Constanza (fondateur de Télé2 France en 1998), ont commencé par développer les premiers exosquelettes robotiques de marche auto-équilibrés Atalante. Basés sur la robotique et l’IA les plus avancées, ils permettent aux paralysés de se lever et de marcher lors des exercices de rééducation, sans béquilles. Après avoir levé 40 millions d’euros début 2022 pour commercialiser sa nouvelle génération d’exosquelettes, Atalante X, Wandercraft a été lauréat, fin 2022, de l’Appel à projets « Première Usine ». Son objectif, lever les obstacles qui se dressent encore trop souvent sur la route des jeunes entreprises industrielles innovantes, en particulier au moment où se pose la question d’industrialiser soi-même et de le faire en France.
Fort de son expérience acquise avec Atalante, Wandercraft est passé à l’étape suivante : développer un exosquelette personnel grâce à une technologie de robotique hybride révolutionnaire, qui a été dévoilée lors d’un événement exclusif à New York le 13 décembre 2023. L’exosquelette a été présenté devant l’écosystème deeptech français lors de la soirée anniversaire du Plan Deeptech. Une fois finalisé, il permettra à des millions de personnes souffrant de troubles de la marche de retrouver leur mobilité et de se déplacer librement à la maison et dans leur communauté. L’appareil, qui sera commercialisé d’ici un an et demi, va être vendu aux Etats-Unis au prix de 95 000 euros. C’est en effet le montant qui sera remboursé aux patients dans ce pays, a confié Jean-Louis Constanza à Solutions Numériques & Cybersécurité.
Patricia Dreidemy