L’ensemble du marché européen de l’emploi cadre subit d’intenses difficultés de recrutement selon une étude de l’Apec, en particulier dans l’informatique. S’inspirer des bonnes pratiques des entreprises, notamment technologiques, peut être un moyen de se distinguer.
Les secteurs, les métiers et les compétences en tension s’avèrent globalement les mêmes dans les six pays européens de l’étude qualitative de l’Apec (Allemagne, Espagne, Estonie, France, Royaume-Uni et Suède), et qui comprennent les métiers et le secteur de l’informatique. Celle-ci, réalisée à l’automne 2022 sur les pratiques de recrutement de cadres dans les PME et les grandes entreprises, est l’une des deux composantes de son étude sur les pratiques de recrutement de cadres en Europe, publiée en avril 2023. Cette dernière repose également sur les données de la Labour Force Survey d’Eurostat sur l’Europe des Vingt-sept plus le Royaume-Uni.
La pandémie de Covid-19, en accélérant la numérisation des entreprises, a aggravé les tensions dans certains domaines de l’informatique et de la R&D. Ces métiers en pénurie de compétences ont en commun de requérir une forte expertise technique, limitant les marges de manœuvre des entreprises en termes d’ajustements sur le profil recherché. Ces tensions se sont accentuées en 2022 sous l’effet d’embauches de cadres toujours plus nombreuses, en particulier pour des postes requérant une forte expertise et des compétences dans les nouvelles technologies liées au numérique et au digital.
Certaines entreprises sont également confrontées à la concurrence internationale pour des profils très qualifiés ou pointus. Elle s’est accrue dans le secteur des technologies de l’information et de la communication depuis la crise sanitaire et sous l’effet de l’impact de la généralisation du télétravail, partiel ou total, dans ces domaines.
Suivre des pratiques efficaces et installées
Selon l’Apec, de bonnes pratiques sont déjà bien installées dans tous les pays, qu’il convient de suivre dans un contexte de forte tension :
– rédiger une offre d’emploi claire
– proposer des conditions de travail satisfaisantes
– diversifier les canaux de recrutement
– disposer de processus de recrutements efficaces
– soigner la relation avec les candidats et les candidates ;
– accompagner l’intégration
Innover pour recruter, c’est déjà simplement s’adapter au marché, en assouplissant certains critères de sélection, par exemple, en acceptant des candidats ou des candidates au profil atypique mais capables d’acquérir rapidement les compétences nécessaires.
Grâce aux retours d’expérience dans six pays, l’Apec a listé 15 pistes pour améliorer les pratiques de recrutement de cadres, qui vont de l’amont à l’aval du processus.
Stratégies de sourcing long terme
1- investir dans la relation avec les formations initiales le plus tôt possible. Pour une PME informatique suédoise, il faut commencer très tôt : « Il existe des programmes pour les très jeunes, de 12-13 ans, pour suivre des cours d’informatique et apprendre à coder. C’est un endroit où il faut commencer à intéresser les gens à aller au lycée informatique. Vous devez les accrocher avant même qu’ils aient 15 ans. »
Une grande entreprise de télécommunication en Estonie a créé un club informatique : « Depuis le printemps, nous avons un club informatique, auquel nous invitons les étudiants et les autres personnes intéressées. Nous organisons des ateliers dans différents domaines. Nous avons eu le thème de la télévision, puis le thème de la cybersécurité, le thème du réseau. »
2- impliquer le plus possible les collaborateurs et les collaboratrices dans la promotion de la marque employeur. Une PME française dans l’informatique témoigne : « Il y a un bon esprit d’équipe, d’entraide et on essaye plus de faire ressortir ça sur notre site. On a une page équipe où on a fait une vidéo de chacun. Chacun se présente, présente ses missions et ça semble plutôt sympa de travailler chez nous parce qu’il y a des sourires, ça paraît bien. »
3- organiser le repérage des talents et la mobilité en interne. Une grande entreprise de télécom en Estonie a organisé des séminaires internes sur les carrières : « Nous gardons constamment ce sujet à l’esprit afin que les gens puissent découvrir les options qui s’offrent à eux. Le mouvement interne est favorisé… Si nous savons que nous avons beaucoup de jeunes dans le centre d’appels, où pourraient-ils aller ? Vers la gestion des clients ou vers l’informatique ? »
Une PME dans l’informatique en Suède essaye de créer un environnement où les employés sentent qu’ils peuvent se développer : « Dans les entretiens qu’on a avec les employés tous les six mois, il est important de comprendre si l’employé est satisfait ou pas, s’il est prêt à changer de position. Alors il faut essayer de voir s’il y a la possibilité pour cette personne de continuer au sein de l’entreprise dans un autre rôle. Ceci est extrêmement important ! »
Attirer les talents
La proposition de valeur doit séduire les candidats :
4- mettre en avant les spécificités de l’entreprise en termes de valeurs.
5- améliorer l’attractivité du package de rémunération, au-delà du salaire. Une PME technologique espagnole expose sa politique : « Il y a la partie de rémunération flexible. Il y a la partie avantage fiscal, le chèque médical, le chèque gourmand et le chèque garde d’enfants. Nous avons une assurance vie qui est payée par l’entreprise. »
6- faire preuve de flexibilité sur le cadre de travail. « Nous avons un travail à la carte, souligne une société technologique espagnole. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui sont dans un modèle hybride, il y a des gens qui sont à 100 % télétravail. Étant une entreprise relativement petite avec peu de personnel, nous donnons beaucoup de flexibilité aux gens pour leurs problèmes personnels. »
7- revoir le contenu même des postes pour diversifier les missions.
8- sortir des sentiers battus dans la formulation des offres d’emploi. En Estonie, il est courant que les offres commencent par mentionner les avantages du poste pour le candidat et son épanouissement professionnel.
Améliorer l’efficacité du processus de recrutement
9- déployer des approches directes davantage personnalisées et incarnées.
10- recourir aux mises en situation pour mieux évaluer les soft skills.
11- optimiser les délais de recrutement pour offrir une meilleure expérience candidat.
12- envisager le recours à l’intelligence artificielle pour gagner en agilité.
Investir en aval sur les candidats, retenus ou non
13- mettre en place un processus d’intégration renforcé et en amont de la prise de poste. « On espère avoir un bon pre-boarding, dès le moment où le candidat signe le contrat jusqu’au premier jour de travail, raconte une PME suédoise dans l’informatique. On est invité à un portail où on reçoit de l’information sur l’entreprise et aussi à tous les événements et afterworks. »
14- améliorer l’expérience salarié pour fidéliser. Il s’agit d’instaurer plus de proximité et d’écoute, et de porter attention à la santé physique et mentale des salariés. « Pour le bien-être, nous faisons tout, de la physiothérapie aux séances de psychologue et de coaching, déclare une PME technologique espagnole. Nous avons une gamme très large dans ce sens […] Nous faisons un cours sur la gestion des émotions ou un cours sur la thérapie par le rire, un cours sur la gestion du temps. Nous faisons aussi des journées en dehors de l’environnement de travail, dans la nature par exemple, comme une retraite de deux jours où nous travaillons sur le développement personnel. »
15- entretenir des liens avec les candidats et candidates en prévision de besoins futurs. « J’ai un fichier avec tout un groupe de personnes qui ont participé au processus de recrutement, qui n’ont pas nécessairement été retenues, mais qui étaient des candidats et des prétendants tellement forts que j’aimerais rester en contact avec eux, » précise une grande entreprise technologique au Royaume-Uni.
Qui sont les cadres européens ?
L’Europe des Vingt-sept plus le Royaume-Uni comptent près de 35 millions de cadres (soit 21% des salariés du privé). 52% d’entre eux travaillent au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Il y a 56% d’hommes pour 44% de femmes. 68% ont plus de 35 ans. 68% travaillent dans les services. L’Estonie se distingue par un marché cadre important dans l’électronique et la tech.