Parmi toutes les pistes que les entreprises suivent pour accroître leur productivité, celle de la dématérialisation s'impose. Confiants, alors que peu d'organisations se sont mises au diapason du numérique, les professionnels promettent une accélération des projets pour l'année en cours.
Porté par un écosystème dynamique, c'est l'un des secteurs IT les plus prometteurs. Pourtant, la dématérialisation peine encore à pousser toutes les portes de l'entreprise. Des freins culturels voire politiques bien plus qu'organisationnels, estiment les observateurs du marché, qui tablent cette année sur des projets de moins en moins frileux. Les professionnels ne cessent de le marteler, s'engager dans la voie de la dématérialisation des documents c'est à la fois réduire ses coûts, gagner en efficacité et réaliser un geste en faveur de la planète. Améliorer la qualité des processus, optimiser l'espace de stockage, préserver le patrimoine de l'entreprise, répondre aux exigences réglementaires de conservation des données, diminuer l'empreinte carbone sont d'autres vertus aussi réelles que quantifiables. Avec un retour sur investissement simple à démontrer dans la plupart des scénarios, les prestataires n'ont en effet aucun mal à convaincre leurs clients de la pertinence des solutions. Ce qui est, en revanche, plus difficile à vendre, c'est le caractère stratégique de la gestion du document en tant qu'information à valoriser pendant un cycle de vie qui se révèle de plus en plus long. Si les entreprises sont toutes confrontées au numérique, peu d'entre elles peuvent prétendre à l'intégration et la maîtrise totales du digital dans leurs activités, leur management et leur développement.
Vers la gouvernance documentaire
Les choses s'améliorent assurent les spécialistes. D'autant que 2013 aura été une confirmation de mutations à l'œuvre depuis déjà quelques années, à commencer par la gouvernance documentaire. «La thématique de la gouvernance est réellement montée en puissance l'année dernière, confirme Louise Guerre, co-fondatrice du groupe Serda. Les entreprises privées, les collectivités et même les ministères ne peuvent plus faire l'économie d'une réflexion sur la gouvernance de l'information et des documents.» Selon elle, le capital immatériel doit être considéré en termes d'accès, de sécurisation mais aussi de patrimoine. En 2013, la gouvernance a cessé d'être une notion relativement vague. «Certains la voient encore comme une problématique touchant uniquement le document ou comme une approche très liée à l'éditique [NDLR : moyens informatiques appliqués à l'édition de documents]. Je considère que la gouvernance est la vision globale au niveau d'une organisation de tout ce qui touche à l'information, aux documents et aux données.» Aujourd'hui, tout type de document se dématérialise dans l'entreprise, on assiste bien là à la transformation numérique de l'entreprise et toutes les organisations sont en train de penser cette dématérialisation généralisée. «Cela amène à une approche globale qui vise à rendre interopérables des solutions qui ont servi à dématérialiser la relation client, les factures fournisseurs ou encore les contrats, par exemple, mais qui n'ont pas forcément exploité les mêmes systèmes. Enfin, l'aspect humain est essentiel dans ces mutations, la gouvernance documentaire doit garantir l'accès et le partage de l'information à chaque collaborateur. Ce qui implique un mode collaboratif adapté dans lequel le document numérique correctement indexé est disponible pour chaque collaborateur, mais cela favorise aussi de nouvelles compétences et donc de nouveaux métiers», conclut Louise Guerre. Cette maturité des esprits vient à point nommé car bien des analystes soulignent encore la nécessité d'évangéliser une majorité de décideurs, de leur expliquer les enjeux de ces notions et, surtout, de leur démontrer l'importance d'un cap à suivre dans les stratégies de dématérialisation. Pour autant, la gouvernance ne saurait se passer des avancées technologiques. Impliqués dans les grands processus qui jalonnent le traitement de la chaîne documentaire, différents acteurs livrent leur vision du développement de leur marché en 2014.
1. La capture de nouveaux usages liés à la mobilité
Qu'elle concerne les documents papier ou les données numérisées, la capture est le point de passage qui mène à la dématérialisation. Des fabricants de scanners et de multifonctions aux éditeurs spécialisés dans l'OCR (reconnaissance optique de caractères), la LAD (lecture automatique de documents) et la RAD (reconnaissance automatique de caractères), l'éventail des solutions est de plus en plus large, avec des offres techniquement très abouties. «On ne verra pas en 2014 de grandes ruptures technologiques sur la partie produit», confirme Aline Saponara, responsable des ventes chez Kodak Alaris. «Mais à l'heure où l'on traite de plus en plus d'informations, il y aura nécessairement des améliorations pour optimiser le stockage et l'archivage des données, des traitements qui nécessitent un meilleur tri et une compression efficace. La qualité de l'image sera forcément relevée ainsi que l'ergonomie. Sur la partie solution, la manière dont on transfère les documents, ce qu'on en fait par la suite et l'intelligence que l'on peut mettre dedans sont des points importants, sans oublier de nouveaux usages liés à la mobilité.» Alexis Vernières, vice-président régional de Kofax France, estime lui aussi que les technologies de capture mobile constituent un axe de développement important : «La capacité d'intégrer de la dématérialisation directement dans un portail lorsqu'on est en situation de mobilité est une demande concrète de la part des entreprises. Les technologies sont mûres, la mise en place de tels services n'est pas complexe et la multiplication des terminaux mobile est un élément facilitateur.» En cherchant à accélérer les processus pour mieux les intégrer aux applications métier, la capture vise à préparer l'analyse des données, quand elle n'est pas elle-même capable de procéder à cette analyse, en particulier lorsqu'elle concerne les documents entrants tels que les courriers traditionnels ou électroniques. «Avec une qualité d'image satisfaisante, la lecture d'un document ne pose aujourd'hui aucun problème», souligne Grégory Laborderie, directeur des ventes pour Abbyy France. «On attend plutôt des améliorations du côté de la LAD/RAD, au moment où il faut extraire les données puis les classifier avec des solutions qui ne se contenteront pas d'extraire le contenu mais de le comprendre grâce à des technologies de traitement naturel du langage.»
2. La facture automatiser les process
En première place des documents que l'on dématérialise, la facture évolue de plus en plus vers un modèle solution. L'approche très technique des prestataires s'efface pour laisser place à un argumentaire destiné aux directions financières et comptables. «La facture électronique telle qu'on la signe aujourd'hui puis que l'on transfère est loin d'avoir rencontré un succès, elle représente seulement 10 % du volume traité, observe Jean-Michel Bérard, président du directoire d'Esker. Pour répondre aux besoins des entreprises, il faut aller bien au-delà, vers le process de facturation lui-même, passer du média technique à l'automatisation des process, voire de la transaction.» Les spécialistes de la facture qui deviennent banquiers, pourquoi pas, à condition que la valeur ajoutée soit réelle pour leurs clients. Autre point qui cristallise les débats, la piste d'audit. «Tout le monde le sait : il est désormais possible d'envoyer une facture PDF sans que ce PDF doive se conformer à une quelconque règle. Mais lorsque le PDF n'est pas certifié par une signature électronique, le document doit être lié de manière claire, fiable et univoque à une prestation ou une livraison à un client : cela s'appelle la piste d'audit», explique Eric Wanscoor, co-fondateur et président de Qweeby. Les entreprises pourraient saisir là l'occasion d'envoyer leur facture très simplement et sans coût supplémentaire. «Pour qu'elle soit fiable, il est nécessaire que la piste d'audit réponde à certains points essentiels», souligne Pierre Patuel, co-fondateur de DPii Télécom & Services. «Selon la revue RF Comptable, ce dispositif doit assurer l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité des factures. Il est donc clair qu'une piste d'audit fiable doit utiliser une méthode, autrement dit une signature électronique, garantissant l'identité et l'intégrité du PDF.»
3. La GED dans le cloud, ou pas
Dématérialiser,c'est évidemment se préparer à faire de la gestion électronique de documents (GED) mais pas ou plus n'importe comment. Les entreprises ont une meilleure culture de la gestion des documents, elles sont plus informées et donc plus exigeantes. «Elles cherchent souvent le mouton à 5 pattes dans un marché où il est encore difficile de s'y retrouver parmi la multitude d'offres», indique Olivier Rajzman, directeur de DocuWare en France. «Il leur faut désormais des logiciels complets, évolutifs, collaboratifs, disponibles sur tout type de terminal et capables, au-delà de l'archivage, de gérer le workflow, voire la reconnaissance automatique (LAD/RAD). Autre tendance : pas de projet de GED sans classement des e-mails, un thème très présent dans les cahiers des charges. Enfin, on observe une forte demande des mairies, qui se sont équipées dernièrement pour répondre à la norme PESV2 et recherchent maintenant de vrais outils de GED. Les projets devraient démarrer très vite après les élections municipales. A l'inverse, je ne crois pas au décollage du cloud pour les systèmes de GED pour 2014 : la diminution brutale des revenus d'un éditeur ou d'un commercial est un premier frein important. Le second vient précisément des clients eux-mêmes, qui ne sont pas prêts à externaliser leurs documents sensibles.» Jean-François Guiderdoni, directeur marketing & commercial de Zeendoc est pour sa part convaincu de la pertinence de son offre dans le cloud : «Nous n'avons pas adopté le mode SaaS par effet de mode, mais parce que c'était une nécessité pour pouvoir proposer un produit au tarif auquel nous le fournissons. Les avantages du cloud sont réels, mais encore faut-il que la GED ait été pensée en mode SaaS et non pas comme une version de logiciel traditionnel placée sur le réseau en créant des accès Internet. D'une façon plus générale, on est en train de passer de la gestion documentaire à la gestion de l'information avec des outils destinés à capter un maximum de données en provenance des réseaux sociaux ou d'Internet. Pour ce qui est du papier, l'évolution passe par une compréhension de plus en plus fine du contenu des documents. C'est d'ailleurs un autre point fort du SaaS et de la mutualisation : plus on reconnaît un type de document dans une entreprise, plus il est facile de le reconnaître chez un autre client.»
4. La signature une identification électronique commune à l'Europe
Avec des besoins de sécurité qui vont croissants, les perspectives de business des prestataires de gestion des identités numériques sont plutôt encourageantes. Mais, à en croire les spécialistes français, les épisodes Snowden et Prism n'ont pas forcément favorisé une plus grande affluence de clients, comme si la protection des données était importante mais pas vitale Malgré un décollage toujours poussif, sûrement en raison de sa complexité, la signature électronique semble toutefois bien plus intéresser les entreprises. Elles cherchent avant tout des solutions pour améliorer la productivité et les processus, alors qu'elles consomment de plus en plus de services cloud. «La signature électronique gérée par des logiciels installés sur le poste client ne connaît plus de croissance», estime Pascal Colin, CEO d'OpenTrust. «En recourant de plus en plus au cloud, avec des niveaux de sécurité satisfaisants, les solutions sont ergonomiques, plus simples, moins onéreuses et collent à l'état de l'art de la technologie. Elles fournissent aussi le moyen de ne pas être à la fois juge et partie car elles placent un tiers de confiance au cœur des échanges. Cette tendance est renforcée par les besoins associés à la mobilité, avec toute la souplesse d'usage qu'offre le cloud. Enfin, via la nouvelle règlementation européenne eIDAS, on verra cette année le déploiement d'un environnement réglementaire pour l'identification électronique en Europe. Ce projet va révolutionner le monde de la signature électronique en Europe : la même règle et la même reconnaissance de la signature vont s'appliquer dans les 28 états membres.»
5. L' archivage une mise en conformité nécessaire
L'explosiondes volumes de données nécessaires au bon fonctionnement et au développement des entreprises fait l'affaire des spécialistes de l'archivage et de tiers de confiance. Garants de la conservation et des échanges sécurisés d'informations essentielles, ces professionnels voient leurs activités fortement évoluer vers la relation client et les processus contractuels. Pour eux, les briques technologiques sont déjà en place. «Au-delà d'un maintien de l'état de l'art en matière de sécurité, notre plateforme s'adapte aux quelques évolutions technologiques sur les protocoles d'échanges et, en termes de fonctionnalités, il faut s'attendre à des avancées qui visent à rendre service au client, mais il n'y aura pas de rupture technologique en 2014», prédit Philippe Delahaye, directeur business development chez CDC Arkhinéo. Avec un dispositif fiscal renforcé, la mise en conformité devient essentielle pour assurer une traçabilité et faire face aux contrôles potentiels. Il y a déjà quelques années que ces besoins de conformité s'invitent dans les projets de dématérialisation, aujourd'hui ils s'y imposent. «Il y a une demande croissante de la part des entreprises pour une solution complète et intégrée permettant de piloter à la demande et très simplement les processus de gestion des documents de l'entreprise nécessitant un archivage à valeur probatoire», constate Jean-Louis Sadokh, PDG d'Azur Technology. Les accords se multiplient entre acteurs de la démat et tiers archiveurs pour construire des offres simples à mettre en œuvre.
De l'ERP au CRM en passant par la comptabilité, tous les documents sensibles issus des applications métier vont pouvoir emprunter les voies du cloud pour rejoindre un coffre-fort électronique. Horodatage, calcul d'empreinte, scellement et indexation, autant de traitements transparents pour les utilisateurs qui n'auront plus qu'à consulter un portail documentaire garantissant l'intégrité de leurs données. «La dématérialisation des documents à valeur probatoire sera totale lorsqu'on aura à disposition une solution de coffre-fort universelle et non pas dépendante d'une seul émetteur», précise Eric Jamet, directeur marketing et innovation de Tessi documents services. «Le marché se cherche une instance reconnue – toute la question est de savoir laquelle – pour démocratiser la dématérialisation de ces flux et garantir culturellement que ne plus conserver de papier ne sera pas remis en cause».
Konica et Microsoft, main dans la main pour traiter l'information
Les partenariats passés entre fabricants et éditeurs autour de la gestion de document sont nombreux. Après le récent accord qui associe les multifonctions Lexmark et la GED de Zeendoc, Konica Minolta intègre sur ses copieurs les solutions Dynamics CRM et Dynamics NAV de Microsoft. Disponible dans le cloud, l'offre veut optimiser le traitement de l'information et la gestion de document. «Nous allons accompagner le client dans la gestion de son information globale, qu'elle soit papier ou digitale, sans pour autant opposer les deux approches car la circulation du papier est encore importante, et, à travers ce partenariat, nous étendons notre expertise pour optimiser le volet collaboratif en entreprise», explique Daniel Mathieu, directeur marketing, communication et développement durable de Konica Minolta. «En se focalisant sur les processus, on néglige bien souvent l'importance de la partie documentaire», estime pour sa part Thomas Cochin, directeur marketing Dynamics / BG Lead Dynamics chez Microsoft. «Associer une expertise du digital comme celle que peut avoir Microsoft à une maîtrise de l'environnement papier portée par Konica est unique en France.» Au cœur de l'intégration des solutions Dynamics, on trouve un partage de l'information entre l'ensemble des collaborateurs, même en situation de mobilité, et une optimisation du traitement des flux et des processus de l'entreprise.
Documation et MIS veulent accompagner les organisations dans leur transformation numérique
A Paris, les 26 et 27 mars, la 20e édition de Documation (gestion des documents, des données et des contenus) et la 4e édition de MIS (Management de l'Information Stratégique) réunissent les grands et petits spécialistes des étapes du cycle de vie de l'information. Recherche, collecte, création, organisation, diffusion, partage, évaluation, analyse et aide à la décision, autant de volets que les deux salons mettent en avant pour cerner les enjeux de l'entreprise numérique. Pour Laurent Eydieu, directeur de la division Nouvelles Technologies de Reed Expositions France, l'organisateur des deux salons, Documation et MIS 2014 voient renforcé le programme des conférences proposées aux visiteurs : «Nous avons mis en place deux comités scientifiques réunissant à la fois des experts du document et de l'information numérique, des utilisateurs, et des décideurs métiers de différents secteurs. Ces comités ont pour mission de créer un programme de conférences à forte valeur ajoutée, permettant de couvrir les grandes thématiques transverses du secteur, comme la gouvernance documentaire ou la data intelligence ; mais également de les décliner par secteur et par fonction, avec des conférences thématiques dédiées à certains métiers, comme les ressources humaines, le marketing, la santé ou encore la finance. L'édition 2014 sera également marquée par le lancement du «Service Projets», un outil innovant de génération de leads. Ce dispositif reposera sur une plate-forme web d'identification de projets et de mise en relation avec les exposants en amont, couplée à un espace physique de rencontres d'affaires sur le salon.» L'ambition affichée des deux manifestations est d'accompagner les entreprises et les organisations dans leur transformation numérique. Un panel de solutions couvrira les thèmes de la dématérialisation, de la gestion électronique de document, de la gestion de contenus, du Big Data et de la Data intelligence, de l'archivage électronique et du Records management, de l'accès à l'information et la connaissance, de l'entreprise collaborative et de la gouvernance de l'information.