La France est le premier marché du géant du travail temporaire américain Manpower, puisqu'il y réalise 26 % de son chiffre d'affaires contre 15% aux Etats-Unis. Aux commandes dans l'Hexagone depuis novembre 2012, Alain Roumilhac nous explique à la fois les transformations numériques internes, et l'offre de services et ressources informatiques proposés aux clients du groupe. Les interventions IT représentent déjà aujourd'hui 5 % du chiffre d'affaires de Manpower France.
S&L IT : Quel est votre métier aujourd'hui ?
AR : Nous sommes un groupe avec quatre marques : Experis (recrutement pour les grandes entreprises), Futurskill (évaluation de compétences), Right Management (management des talents) et Manpower Group Solutions-Proservia (outsourcing). Celle qui est bien sûr la plus connue, et qui donne son nom au groupe, c'est la marque Manpower, qui est focalisée sur les métiers du travail temporaire et du recrutement. Cela représente 90 000 clients qui font travailler tous les jours environ 80 000 intérimaires.
Comment concevez-vous la transformation numérique chez Manpower ?
Nous sommes, je pense, une des entreprises qui le prend par le plus d'angles possibles, trois au minimum. Premièrement, la transformation digitale est au cœur des préoccupations de notre marque numéro 1, Manpower, pour améliorer notre service à nos clients et à nos intérimaires. Une mission, c'est un contrat signé tripartite : le client, l'intérimaire et nous.
Chaque fois que nous dématérialisons un service, nous améliorons ainsi la relation avec le client, en évitant la paperasse et ce qui s'en suit. On gagne en productivité, mais aussi en efficacité, par exemple avec l'exactitude de nos factures. 50 % de nos relevés d'activité sont d'ores et déjà dématérialisées.
Quels services numériques offrez-vous à vos intérimaires ?
Nous mettons en place une solution qui permettra aux intérimaires de signer leur contrat en ligne, puis nous leur proposerons d'envoyer leur bulletin de salaire dématérialisé dans un coffre-fort électronique, ce qui évitera les frais de postage. Avant la fin de l'année, nous allons ainsi leur proposer un nouveau bouquet de services. Ils pourront
recevoir sur une application mobile des alertes de travail en temps réel alors qu'aujourd'hui ils reçoivent ces offres par SMS, qui les renvoient ensuite sur le site de Manpower. Demain, quel que soit l'endroit où ils se trouveront, ils auront toutes les informations nécessaires : le nom du client, le lieu, le taux horaire, la durée de la mission, et pourront manifester immédiatement leur intérêt. Ils recevront ensuite sur l'application mobile leur fiche de mission numérisée, ce qui leur évitera de passer physiquement par l'agence. Ils recevront leur contrat de façon électronique et pourront le signer à partir de l'application.
De quelle façon interviennent vos marques Proservia et Experis dans cette utilisation du digital ?
C'est notre deuxième axe de la transformation digitale : fournir à nos clients les services et les compétences numériques dont ils ont besoin. D'abord les infrastructures avec Manpower Group Solutions-Proservia, l'ensemble de nos activités d'externalisation. Ensuite le monde de l'expertise, plutôt tourné vers le développement applicatif avec Experis IT. Proservia, acheté en 2011, représente 1 350 personnes et Experis IT 500 salariés. Elles vont réaliser cette année entre 120 et 130 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Et concernant Right management ?
Avec nos équipes Manpower Group Solutions et Right Management, qui est une société qui vient du monde de l'outplacement et que nous transformons en société de conseils dans l'adaptation des ressources à la stratégie de l'entreprise, nous accompagnons nos clients dans l'impact RH de leur transformation digitale. C'est notre troisième approche du digital. Dans 60 % des cas, au moins, c'est le digital, d'une façon ou d'une autre, qui conduit aujourd'hui les transformations RH de nos clients. Les services se dématérialisent et cela nécessite des changements majeurs : quelles ressources humaines seront nécessaires en nombre et en profil ?, comment faire la jonction entre les deux ?, comment faire évoluer un certain nombre de compétences en interne, quels profils peuvent être repositionnés et sortis de l'informatique ?, comment gérer toutes cette transformations en ressources humaines ? Nous fournissons les ressources pour mettre en œuvre les projets et pour supporter les infrastructures du client, et nous les accompagnons dans l'évolution de leurs ressources.
Selon vous, c'est le service RH et non la DSI qui est au cœur de la transformation digitale ?
Dans l'évolution stratégique des équipes informatiques, le RH est plus important que la technologie. Le DSI est comme une poule qui a trouvé un couteau. Si, aujourd'hui, vous avez une armée d'administrateurs système et réseau et que demain vous avez besoin d'orchestrateurs Cloud, comment faites-vous ? Il y a bien sûr besoin d'une compétence technique, pour expliquer ce qui est faisable ou pas, mais c'est bien au DRH de gérer le plan de transformation des équipes. Le vrai sujet de l'innovation de l'entreprise, c'est la nouvelle place du DRH, et non pas celle du DSI.
projecteur sur… Alain Roumilhac, PDG de ManpowerGroup France
D'IBM à Manpower en passant par Osiatis
Jeune ingénieur des Arts et métiers, Alain Roumilhac croise des gens d'IBM, et décide de tenter sa chance, pour «aller faire de l'usine en France». Son CV se perd et arrive au service commercial. Il opte pour le technico-commercial. Très vite, il se retrouve dans une entreprise en transformation majeure, percutée à la fin des années 80 par l'arrivée de la micro-informatique et de la mini-informatique. Alain Roumilhac est face au challenge de la fin des années 90 et du début des années 2000 d'IBM : la création et le développement d'IBM Global Services. «Au bout de 10 ans de technico-commercial, de marketing, de management commercial, puis de participation à quelques restructurations de l'entreprise, j'ai basculé vers les services. J'ai fait partie de la deuxième vague de pionniers qui ont développé IBM Services, en particulier en France. De nain, on en est devenu le premier acteur dans le domaine, avec 50 % du CA du groupe». Puis, souhaitant prendre son destin en main après 21 ans chez IBM, il rejoint Osiatis en tant que directeur général exécutif de cette grosse SSII française. L'entreprise devant être vendue et n'ayant plus que les affaires courantes à gérer, il tire sa révérence après quatre ans. Il part sur des projets personnels, se lance dans le conseil puis Françoise Gri, alors présidente de Manpower et «ex-IBM», l'appelle pour l'aider à diversifier l'entreprise. Comment faire pour que 10 % du CA soit obtenu en dehors du travail temporaire ?, c'est son défi. Au poste de directeur général de ManpowerGroup Solutions et d'Experis, il succèdera en novembre 2012 à Françoise Gri, nommée directrice générale de Pierre & Vacances-Center Parcs. Il poursuit avec succès le travail entrepris.
PenBreizh : Manpower forme 500 jeunes au numérique en Bretagne…
Il y aurait en France 5 000 emplois nets annuels en besoins non satisfaits dans le secteur de l'IT «conseil, services et logiciels» selon le Syntec Numérique. Manpower s'est donc lancé dans une vaste opération de formation des jeunes pour résoudre l'inadéquation des compétences dans les territoires. Le groupe s'est d'abord engagé dans les trois ans à atteindre 500 CDI dans les métiers du numérique en région Bretagne, avec un certain nombre d'entreprises qui sont partie prenante, comme Proservia et Orange. «Nous partons de la demande du marché, formons des jeunes chômeurs, puis les reconnectons avec l'entreprise : notre démarche est pragmatique», souligne Alain Roumilhac. Cette première initiative, nommée Pen Breizh et menée avec Pôle emploi et le Syntec Numérique, est dorénavant étendue au niveau national. «Nous allons voir beaucoup plus grand, sur l'ensemble des secteurs d'activités dont les métiers sont en pénurie, et pas seulement sur l'IT», enchaîne-t-il. Pour cela, en partenariat avec Pôle emploi, Manpower a créé en mars la fondation Agissons pour lemploi, sous égide de la FACE, la Fondation Agir Contre l'Exclusion, lancée par Martine Aubry en 1983 et aujourd'hui présidée par Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez. «On a démarré dans les Pays de la Loire et, depuis janvier, en Poitou-Charentes avec une promotion d'une trentaine de personnes». Les entreprises en manque de personnels compétents pourront exprimer leurs demandes sur le nouveau portail web dédié à cette fondation.
ManpowerGroupcherche à acquérir des SSII
Voici le schéma de la nouvelle organisation de ManpowerGroup en 4 grandes entités. En ce qui concerne spécifiquement les services IT, le groupe a déjà réalisé deux acquisitions, et va continuer son expansion, tant en croissance organique qu'externe. Dans le monde de l'expertise, tourné vers le développement applicatif, Experis IT regroupe 500 salariés. Dans l'environnement des infrastructures, Proservia – ManpowerGroup Solutions réunit 1350 salariés. Manpower souhaite réaliser une ou deux acquisitions supplémentaires dans les deux ans qui viennent et faire grimper Proservia à 2 500 personnes pour un CA de 150-170 millions d'euros, contre 80 millions actuellement. Et entrer ainsi dans la cour des grands, aux côté d'Econocom-Osiatis par exemple. «Nous avons plusieurs dossiers sur la table. Dès cet été, confie Alain Roumilhac, nous pourrions boucler une opération qui nous apporterait 20 millions de CA et 300 personnes».