Moins techno-enthousiastes que la moyenne mondiale, les salariés français sont aussi plus nombreux à considérer que c’est à leur employeur de les former au numérique.
C’est ce que révèle une étude mondiale menée dans 34 pays par Re.sources, laboratoire de réflexion sur l’emploi du groupe Randstad, sur les enjeux de la montée en compétences numériques pour les salariés. L’étude indique que 64 % des Français considèrent que l’impact du numérique sur leur métier est positif, contre 74 % en moyenne dans le reste du monde.
« Je pense qu’il y a chez les salariés une part d’incompréhension sur ce que signifie se former au numérique, et qu’une certaine défiance en découle, estime Lucas Tourny, responsable du laboratoire Re.sources. Or on ne leur demande pas de tous devenir des codeurs ou des data scientists demain mais simplement d’être sensibilisés aux enjeux du digital et d’acquérir une culture numérique de base. Celle-ci leur permettra de comprendre par exemple comment un chatbot prend une décision ou comment une application de matching fonctionne ».
Selon l’étude, les salariés français semblent également mal évaluer l’impact du numérique sur l’emploi et la nécessité d’acquérir de nouvelles compétences. Alors que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore, seuls 34 % d’entre eux ressentent l’urgence de se former. Alors qu’au niveau mondial, c’est près d’une personne sur deux (47 %) qui ressent la nécessité de se former pour faire évoluer ses compétences face à l’impact du digital. « Notre responsabilité est collective pour leur faire prendre conscience de l’importance de la formation tout au long de la vie, afin d’assurer leur employabilité face aux transformations des métiers provoquées par le numérique », affirme Lucas Tourny.
Outre cette méconnaissance de l’impact du numérique sur les métiers, et de la nécessité de la formation, les salariés français sont aussi plus nombreux à considérer que c’est à leur employeur de les former. A la question « pensez-vous que c’est la responsabilité de votre employeur de vous former au numérique ? », près de 90 % des salariés français ont répondu par l’affirmative. L’Hexagone se situe au deuxième rang des pays les plus exigeants envers les patrons juste derrière la très étatique et centralisée Chine. En moyenne, pour l’ensemble des interrogés dans le monde, ce chiffre est de 76 %.
Le refus de l’initiative ?
Ces chiffres français révèlent une forme de passivité et un attentisme qui tranche avec la récente réforme de la formation professionnelle, fortement axée sur la responsabilité individuelle. Si cette dernière a raison de cibler l’importance de la responsabilité individuelle dans les actions de formation, notamment au travers du Compte personnel de formation (CPF), les Français seront-ils capables de s’émanciper de leurs patrons, interroge l’étude. « Cette enquête est une photographie à un instant T et nous prenons le pari que dans un an ou deux, les salariés français se seront davantage autonomisés, commente Lucas Tourny. La mise en place du CPF va en effet dans le sens d’une prise en main individuelle de la formation, ce qui n’est pas dénué de sens puisque l’évolution du marché de l’emploi montre que les travailleurs sont amenés à changer plus souvent d’entreprise durant leur vie active ». Sans oublier les « slashers » de plus en plus nombreux, qui cumulent plusieurs jobs, et pour lesquels demander une formation à un employeurs en particulier sera plus compliqué
Auteur : Patricia Dreidemy