La loi « Hamon » a été a été adoptée l’année dernière, et les décrets qui en découlent sont publiés au fur et à mesure. Il convient d’être extrêmement vigilant face aux nouvelles obligations imposées par la loi Hamon, compte tenu des risques et des amendes encourus. Le point Avec Garance Mathias, Avocat à la Cour. http://www.avocats-mathias.com
La loi relative à la consommation, dite « Loi Hamon » du 17 mars 2014 poursuit le mouvement de contrôle et d’encadrement des relations commerciales initié par le législateur depuis 2003 avec les lois dites « Dutreil », « Chatel » et de Modernisation de l’Economie (LME).
L’allongement des délais de rétractation et les obligations d’information précontractuelles figurent parmi les mesures phares de la loi Hamon. Cependant, la loi contient également un important volet B-to-B qui réforme, pour 2015, les relations commerciales inter-entreprises. De nombreuses dispositions spécifiques ont été introduites par la loi. Nous n’évoquerons ici que les modifications qui ont une portée générale.
La consécration des CGV comme socle « unique » de négociation
L’article L.441-6 du Code de commerce a été modifié par la loi Hamon et décrit dorénavant les Conditions Générales de Vente (CGV) comme le socle « unique » de la négociation.
Si elles prévalent sur les Conditions Générales d’Achat (CGA), il n’est pas interdit aux parties de négocier les termes de leur accord, quitte à s’écarter des CGV pour se rapprocher des CGA.
Ainsi, aux termes de l’article L.441-7 du Code de commerce, les CGV doivent dorénavant être communiquées au distributeur au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars de chaque année, ou, pour les produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier, deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation.
L’objectif est d’imposer une communication spontanée des informations par le fournisseur, sans que le distributeur n’ait eu besoin d’en faire la demande.
C’est par cette obligation que le législateur a modifié le formalisme des négociations annuelles. Les parties devront rédiger une convention écrite, appelée convention unique, signée chaque année avant le 1er mars, qui devra impérativement mentionner les éléments suivants :
les conditions générales de vente,
le barème des prix du fournisseur,
les réductions de prix applicables à l’issue de la négociation commerciale,
la rémunération des autres obligations ou la réduction de prix globale afférents à ces obligations.
Le but de cette mesure est d’en finir avec les pratiques des clauses imposées et des contrats d’adhésions et de replacer les parties dans une situation de négociation équilibrée.
A défaut de rédaction d’une convention unique conforme dans les délais, les parties encourent une amende administrative de 75.000 € pour les personnes physiques et 375.000 € pour les personnes morales.
Les délais de paiement précisés
La loi Hamon n’est pas revenue sur les plafonds de délais de paiement fixés par la LME, en 2008, à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture (article L.441-6 al.9 Code de commerce). Cependant, elle apporte des précisions quant aux factures périodiques : le plafond a été fixé à 45 jours à compter de l’émission de la facture.
Une autre limite a été introduite en ce qui concerne le point de départ des délais de paiement notamment en cas de procédure de vérification ou d’acceptation de produits ou de prestations commandées. Désormais, les processus de vérification ou d’acceptation qui ont pour effet de retarder abusivement le point de départ du délai seront sanctionnés par une amende administrative (75 000 € pour une personne physique, 375 000 € pour une personne morale).
Un nouveau dispositif de « courtoisie »
Lorsqu’un fournisseur adresse une demande écrite, relative à l’exécution du contrat, au distributeur, ce dernier a dorénavant l’obligation de répondre de « manière circonstanciée » dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception de la demande.
Le fournisseur a la possibilité de signaler à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) tout défaut de réponse ou toute mauvaise application de la convention, sans qu’aucune sanction spécifique ne soit prévue. Toutefois, la DGCCRF pourra user de son pouvoir d’injonction afin de contrainte le distributeur à répondre.
Deux nouvelles pratiques abusives sources de responsabilité civil
L’article L.442-6 du Code de commerce a été complété de deux nouvelles pratiques commerciales abusives civilement sanctionnées à savoir la garantie de marge et le non-respect du prix convenu. Ainsi, le fait de facturer une commande de produit ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu dans les CGV pourra désormais donner lieu à réparation du préjudice causé.
Cette disposition vise à garantir le respect du prix convenu par l’acheteur et le fournisseur.
Les nouveaux pouvoirs et moyens d’action de la DGCCRF
1°) Des pouvoirs d’enquête élargis
Les agents de la DGCCRF peuvent désormais, dans le cadre de leur mission, avoir un droit d’accès aux logiciels et aux données informatiques du professionnel. Ils peuvent également constater les manquements à la réglementation en accédant aux locaux à usage mixte, c’est-à-dire utilisés à la fois à titre professionnel et à titre d’habitation.
Ces agents sont, en outre, habilités à constater le non-respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relatives :
à la licéité des traitements de données à caractère personnel (principes de collecte loyale et licite, de finalités déterminées, explicites et légitimes etc.),
à la réalisation des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements,
au respect des droits des personnes (droit d’information, droit d’opposition, droit d’accès et de rectification etc.).
La Cnil pourra ensuite, sur la base de ces constations et de ses propres investigations, prononcer une sanction contre les responsables de traitements. La capacité de la DGCCRF de prononcer des sanctions pour les infractions constatées dans le cadre de ses missions n’a donc pas été étendue aux infractions à la loi « Informatique et Libertés ».
2°) Un pouvoir d’injonction conservé
Les agents habilités de la DGCCRF disposent en vertu de l’article L.465 du Code de commerce, du pouvoir d’enjoindre à tout professionnel de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.
3°) Des pouvoirs de sanctions propres
Les agents de la DGCCRF disposent désormais d’un pouvoir de sanction. Il s’agit d’amendes administratives qui pourront être prononcées, notamment dans les cas suivants : non-respect des plafonds en matière de délai de paiement, défaut de mention ou non-respect des règles relatives aux pénalités de retard ou encore en cas d’absence de conclusion d’une convention unique annuelle conforme à la loi et dans les délais prévus.
Le montant maximal des amendes est de 75 000 € pour les personnes physiques et de 375 000 € pour les personnes morales ; elles peuvent être doublées en cas de réitération dans les 2 ans.
La DGCCRF dispose en outre d’un pouvoir de publication des décisions de sanctions prononcées. Un risque d’image est à prendre en compte par les opérateurs économiques.
Enfin, dans le cadre des enquêtes de concurrence, le montant des peines encourues pour refus de coopération ou opposition est porté à 2 ans d’emprisonnement (au lieu de 6 mois jusqu’alors) et l’amende maximale s’élève désormais à 300 000 € contre 7 500 € auparavant.
Il convient d’être extrêmement vigilant face aux nouvelles obligations imposées par la loi Hamon, compte tenu des risques et des amendes encourus.