Une tendance actuelle cherche à améliorer l’efficacité des fermes de serveurs de fichiers au standard x86, largement répandus dans les centres de données. Plutôt que de répartir les fichiers dans une baie RAID afin de pallier la panne d’un disque, l’ensemble des serveurs assure l’accès continu à de vastes volumes de données.
L’éditeur Fizians, une émanation de l’Université de Nantes, a conçu RozoFS, un système de fichiers souple et robuste associant architecture scale-out NAS et code à effacement. Son intégration à l’environnement openstack devrait lui assurer un certain succès auprès des opérateurs Cloud. Une autre piste d’évolution consiste à remplacer d’anciennes baies haut de gamme par des équipements 100% flash. Les délais de latence infimes conviennent particulièrement aux performances requises par les applications Big Data et l’analyse de plusieurs sources de données en temps réel.
“Les mécanismes du stockage changent avec les volumes, avec l’évolution des usages et des coûts”, reconnaît Michel Parent, directeur des produits de stockage d’HP. Selon lui, la technologie SSD fait franchir aux datacenters un nouveau palier en consommation d’énergie et en performances applicatives : “Les applications d’entreprise et les accès aux bases de données gagnent une très haute disponibilité et un plan de continuité d’activité sans délai de latence entre deux de nos baies 3Par.”
« La sauvegarde sur bandes LTO s’essouffle au profit de la déduplication sur disques. »
Michel Parent, directeur des produits de stockage d’HP
Pour son rival EMC, l’arrivée de la Flash dans le datacenter est synonyme de gain de place et de retour sur investissement : “l’hébergeur comme l’entreprise peuvent envisager de stocker un volume de deux à cinq fois supérieur avec de meilleures performances d’accès et une réduction de leurs coûts fonctionnels”, affirme Gilles Potard, responsable avant-vente entreprise d’EMC France. Une conséquence dans l’environnement bancaire est de pouvoir répondre de façon immédiate à une demande de prêt face au client, plutôt que de l’inviter à repasser dans quelques jours.
Les acquisitions successives des constructeurs ne facilitent pas la lisibilité de leurs offres.
Le leader EMC est ainsi chahuté par les architectures novatrices banalisant le matériel et par les revirements stratégiques d’ex-partenaires. Dell vient ainsi de révéler de nouvelles unités SAN 2U ou 5U à base de disques SSD et de disques durs : la série SCv2000 forme une évolution de la gamme acquise avec Compellent. Avec la baie PS6610 iSCSI, issue d’EqualLogic, il cible le marché intermédiaire auquel il apporte trois fois et demi de capacité en plus et jusqu’à sept fois les performances de la génération précédente. En juin, Dell compte aussi matérialiser l’espace de stockage évolutif de Microsoft ; les MS Storage Spaces reposent sur Windows Server 2012 R2 pour offrir une solution SDS (Software Defined Storage) autour de serveurs standards.
De son côté, IBM mise sur l’ouverture de ses logiciels de stockage, issus de Tivoli notamment. La gamme Spectrum compte six lignes de produits ; elle illustre une stratégie de simplification et de changement de noms devenue nécessaire. Après l’achat en 2012 des unités flash de Texas Memory System, IBM déplace l’intelligence de ses baies haut de gamme au niveau des passerelles. Big Blue entend gérer, protéger et optimiser les données stockées dans l’entreprise comme chez un opérateur cloud. Les entreprises françaises en profitent-elles dès à présent ? “Le site PriceMinister.com utilise notre solution de stockage Flash pour ses temps de réponse prédictifs et fiables. L’Agence France Presse retient nos baies mid-range Storwise en gérant la haute disponibilité des actualités en temps réel et l’archivage sur deux salles distinctes. L’opérateur Cetsi réunit notre virtualisation du stockage SAN (SVC) et nos technologies XIV”, illustre Cédric Aragon, directeur de la division stockage chez IBM France.
Profiter d’un serveur NAS et du Cloud à la fois
Les PME ne sont pas en reste. Qu’ils proviennent de Seagate, Synology ou Western Digital, les petits serveurs de fichiers récents gagnent en capacité, en performances et en simplicité d’utilisation.
Ces équipements NAS (Network Attached Storage) sont compacts et ils évitent de placer tous les œufs dans le même panier, en sauvegardant une sélection de fichiers sur le Cloud. Des protections croisées étaient déjà permises entre deux unités NAS jusqu’ici, ce backup complémentaire s’effectue par répertoires préalablement définis vers le nuage du fabricant ou vers celui d’un partenaire. La synchronisation des fichiers et la remontée de versions antérieures ne sont cependant pas toujours permises. De même, tous les terminaux des utilisateurs (smartphones, tablettes, Mac et PC) sont rarement pris en compte.
“L’utilisateur veut accéder à ses fichiers partout, où qu’ils soient stockés. Mais certaines données comme les relevés bancaires doivent rester, de préférence, sur un NAS local quand d’autres données peuvent rejoindre le cloud. Nous proposons aux PME d’installer la sauvegarde d’Acronis qui exploite les ressources cloud de cet éditeur. A terme, les fichiers iront au bon endroit, automatiquement, sans que l’utilisateur ait à se soucier des mots de passe. Le stockage sera alors unifié, offrant le meilleur des deux mondes. C’est vers ce cloud hybride que le marché s’oriente”, confirme Frédéric Renard, senior director of product marketing de Western Digital.
En attendant, les derniers modèles facilitent la sauvegarde vers Amazon S3, Google Drive, Dropbox ou un autre cloud public. Les fabricants de serveurs NAS offrent un catalogue de logiciels ou de services cloud complémentaires ; pour l’échange de fichiers d’égal à égal (P2P), le streaming vidéo ou encore l’hébergement local d’un site Web ou d’un blog WordPress.
En standard, le partage de fichiers reste simple, avec des droits d’accès pour tous les utilisateurs d’une TPE ou d’une PME, voire d’une succursale héritant des règles d’accès et des groupes de l’annuaire Active Directory. Comptez à partir de 200 euros pour une unité 4 To, sans les disques durs, près du double avec 2 disques de 2 To. Les disques durs eux-mêmes s’adaptent au fonctionnement du serveur NAS : des modèles SATA sont ainsi optimisés pour tourner ensemble dans un boîtier compact, sans créer de vibrations parasites. Ils sont aussi conçus pour la redondance RAID, préconfigurés et formatés, de sorte que l’unité complète est assumée par le fournisseur. Cela est apprécié, même en cas de panne, car le client n’a plus qu’une tête à étrangler.
Des performances adaptées aux usages des PME
Les serveurs NAS proposent deux ou quatre disques durs en entrée de gamme, un processeur de 1 à 2 GHz, un à deux port Gigabit Ethernet et 2 à 4 ports USB pour connecter des disques externes.
Leur firmware évolue rapidement pour soutenir davantage de protocoles de partage de fichiers tels AFP, FTP, NFS, Samba ou DLNA. La redondance RAID reste à l’ordre du jour des petits serveurs NAS, mais le changement de mode RAID devient plus intuitif et plus rapide. L’interface utilisateur facilite la configuration des partages. Cerise sur le gâteau, certains modèles proposent le chiffrement des fichiers en version de base.
Mais quid des performances via le réseau ? La lecture oscille autour de 120 Mo/s, mais l’écriture est jusqu’à trois fois moins rapides selon l’architecture retenue. On atteint, en écriture, l’équivalent d’une clé USB 2, ce qui reste acceptable pour la plupart des PME. Les serveurs NAS se déclinent en version rackable pour accueillir jusqu’à 8 disques amovibles en version 1U. Le processeur est alors multi-cœur et associé à une interface iSCSI pour accroître les performances du travail collaboratif, jusqu’à 250 utilisateurs en théorie : “Ces solutions hybrides avec un un boîtier en interne et des fichiers répliqués dans le cloud conviennent bien aux PME. Elles ne sont plus valables pour les ETI comme Syndex, à cause de notre effectif (NDLR : 430 collaborateurs) et surtout de nos nombreux sites qui changent la donne au niveau de l’infrastructure”, prévient Damien Gillery, responsable du système d’information de Syndex.
Enregistrer les flux de surveillance vidéo
Le serveur NAS gagne un marché florissant, celui des caméras sur IP et autres objets communicants. Le fabricant Buffalo Technology – japonais d’origine, comme son nom ne l’indique pas – a noué un partenariat avec Axis Communication dans cette optique : “L’enregistreur vidéo NAS NVR s’installe en 20 minutes seulement au lieu de plusieurs heures, grâce à sa reconnaissance intégrée des caméras Axis Communication et grâce à la pré-configuration des disques redondants RAID 5”, explique Valéry Giorza, directeur marketing de Buffalo Technology sur l’Europe du sud et le Benelux.
« Pour disposer de leurs informations en deux endroits, les TPE et PME vont retenir, en majorité, un Cloud hybride. »
Valéry Giorza, directeur marketing de Buffalo Technology sur l’Europe du sud et le Benelux
L’installateur gagne donc un temps précieux, d’autant que les projets multi-sites sont fréquents, même hors de la terre ferme. Dernièrement, une centaine de serveurs NAS Buffalo a rejoint une flotte de navires marchands : “une fois à quai, en situation de pouvoir communiquer, ils effectuent les transferts et répliquent les données automatiquement. En mer, ils servent de serveur à quelques postes de travail, parfois deux ou trois PC seulement”, précise-t-il.
La PME ouvre volontiers l’accès distant du serveur NAS à ses commerciaux qui viennent y puiser le dernier tarif à jour sur leur smartphone ou sur leur tablette. En sens inverse, ils peuvent déposer des photos des produits déployés sur le terrain.
“Nous rencontrons des usages très différents. Notre gamme NAS gère jusqu’à 50 postes avec une réplication du serveur en local”. Le système Linux embarqué dans l’équipement de Buffalo Technology laisse parfois sa place à Windows Storage Server, un choix plus onéreux qui facilite l’exploitation de bases de données centrales et de l’annuaire Active Directory dans les petites agences distantes.
“Nos clients veulent savoir où se trouvent leurs données. Cela les rassure d’avoir leurs fichiers chez eux et simultanément chez leur revendeur informatique”. D’où la généralisation du service de réplication automatique chez les VAR. La réplication vers l’infrastructure S3 d’Amazon, dans un datacenter du Cloud public est également proposée, mais les entreprises y songent à deux fois. “On stocke en local plusieurs Téraoctets, tandis que les accès au Cloud conviennent pour quelques Giga-octets. Les taux de transfert ne sont pas encore comparables. La réplication s’effectue donc de nuit ou le week-end, mais nos clients n’envisagent pas d’accès hors site en temps réel”, signale-t-il.
Le serveur x86, socle du stockage défini par logiciel
Les dernières offres de stockage vous rappellent le modèle DAS (Direct Attached Disk) apparu bien avant les serveurs NAS et le réseau SAN dédié. En effet, on retrouve des serveurs x86 banalisés, empilables et répartis en réseau. Ils embarquent des disques durs ou des disques SSD en attachement direct..
La différence ? Elle tient au système de gestion des données qui intègre la virtualisation des volumes de stockage, la déduplication et la compression de fichiers, voire le déplacement automatisé de petits blocs de 4 Ko pour garantir une disponibilité continue. Les performances et la protection des données s’améliorent à mesure qu’on multiplie les nœuds ; les fermes de stockage deviennent alors capables d’absorber de forts pics de trafic. Comment en est-on arrivé là ? Les microprocesseurs x86 multi-cœurs se démocratisent. Ils deviennent aussi des systèmes complets (ou SoC, system-on-chip) intégrant les interfaces d’entrées-sorties, la mémoire vive et plusieurs millions de portes logiques. Ce faisant, ils peuvent assurer des fonctions hier dévolues aux carte-mères complètes. Leur puissance croissante permet aux concepteurs d’équipements de stockage de se passer de composants dédiés reconfigurables (ASIC, application-specific integrated circuit) et de circuits logiques programmables (FPGA, field-programmable gate array). Les baies propriétaires sont encore loin d’être toutes remplacées, mais elles font déjà figure de dinosaures.