Fusion Nokia-Alcatel : voici une tribune coup de gueule de Théodore-Michel Vrangos, cofondateur et président d’I-TRACING, entreprise de conseil et ingénierie dédiée à la traçabilité de l’information et à la gestion de la preuve. Ancien président de Cyber Networks, aujourd’hui BT France, qu’il avait fondée avec Laurent Charvériat.
Comment peut-on se réjouir d’une telle issue ?! La courte vue du gouvernement qui accepte que l’équipementier télécom français, attrait et fierté de milliers d’ingénieurs, disparaisse, tout en se berçant d’une R&D qui « reste » en France ?!
Tout d’abord un passé vécu récent. Il y a à peine un an et demie le gouvernement français, souvenez-vous du ministre Arnaud Montebourg et de sa croisade, justifiée en tant que telle, du made in France, poussait les grands opérateurs télécom du marché à faire travailler le Français Alcatel-Lucent sur des sujets de sécurité Internet, sujets éminemment sensibles et, nous le constatons régulièrement sur TV5 Monde ou ailleurs, au cœur de l’actualité.
Des entreprises d’ingénierie pure players de la sécurité Internet, elles aussi françaises, voire purement françaises comme la nôtre, ont été discrètement et poliment écartées au profit du grand groupe. A l’heure où les politiciens de tout bord scandaient l’importance vitale de l’entrepreneuriat, de la nécessité de l’émergence des ETI en France à l’instar de ce qui se passait en Allemagne, les opérationnels se devaient d’aider ALU. Soit. Pas de problème, les entrepreneurs français sont habitués à deux poids deux mesures, puis les besoins de ce marché étaient et sont énormes.
C’est la suite qui compte : quelques mois plus tard, vers le début de 2014, le pôle sécurité d’Alcatel Lucent, celui en autres qui était poussé à cor et à cri par le gouvernement, était vendu à Thales… les équipes fusionnées, certains départs, certaines compétences perdues et certains clients sans suite dans leurs projets…
La suite, nous la connaissons depuis quelques jours : en grande discrétion et d’un seul coup, le groupe Alcatel disparaît, phagocyté par Nokia… Heureusement que des PME françaises, pure players de l’ingénierie en sécurité Internet, elles, sont toujours là et sans l’aide des politiques !
Mais ce n’est pas tout : les fossoyeurs de ce désastre industriel, car c’est le mot qui convient à la disparition soudaine, totale, du seul industriel télécom français de taille mondiale, se réjouissent de la création d’un ‘’Airbus des télécoms’’ ; quelle courte vue, quelle désinformation !
Comme si les Huawei, ZTE, sans parler des constructeurs data-IP tels que Cisco, avaient attendu pour être très présents chez les telcos français.
Comparer le marché des équipementiers et constructeurs télécom et Internet de 2015 avec la création ou la constitution de l’industriel EADS – Airbus il y a 30 ans, est bien une vue d’esprit, juste pour faire passer une pilule bien amère.
Encore plus fort : les politiques clament que la R&D de l’ex-Alcatel reste en France.
Forcément, qu’elle reste en France : avec le mécanisme du Crédit Impôt Recherche subventionné par l’Etat donc par les contribuables, privés et entreprises, forcément qu’il est plus intéressant de garder cette partie de la R&D en France et d’optimiser le reste.
La double peine : la France perd son seul acteur équipementier télécom de classe mondiale, et en plus subventionne les coûts de la R&D du finlandais Nokia !
Certes il y a une concession : le nouvel ensemble change de nom et s’appelle dorénavant Nokia Corp…