La mobilité peut-être considérée comme un atout dans le développement du télétravail ? Quel est le régime juridique applicable au télétravail ? Cette modalité d’organisation du travail constitue-t-elle un facteur d’insécurité juridique ? Garance Mathias, avocat à la Cours, répond à ces questions.
Le télétravail représente un potentiel important de croissance économique, socialement et écologiquement responsable. En France, le télétravail a cependant un succès relatif. Cela est dû à l’absence de culture liée au télétravail et à l’importance du lien de subordination. Ainsi, le télétravail modifie la structure du travail en permettant aux salariés d’avoir plus d’autonomie pour organiser, planifier et exécuter leurs fonctions. Par ailleurs, le télétravail a longtemps eu la réputation d’être un mode d’organisation entraînant une insécurité juridique.
« L’organisation du travail, rythmée par l’unité de temps, de lieu et d’action, est remise en cause. »
Toutefois, avec l’évolution des technologies, un nombre croissant de salariés se trouvent en situation de télétravail, pour tout ou partie de leurs tâches. Par ailleurs, les entreprises ont souvent été amenées à réduire la superficie de leurs locaux et à demander à leurs salariés d’effectuer une partie de leurs tâches à leur domicile. C’est dans ce contexte que l’organisation du travail, rythmée par l’unité de temps, de lieu et d’action, est remis en cause.
L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005, mettant en œuvre l’accord-cadre européen du 16 juillet 2002, a posé les principes généraux du télétravail. Depuis, la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives dite « loi Warsmann » et la jurisprudence de la Cour de cassation ont délimité plus précisément les contours juridiques du télétravail.
Le télétravail désigne «toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci» (article L1222-9 du Code du travail). L’accent est donc mis sur les technologies avancées
Quelques principes de base du télétravail
- Le télétravail ne peut être imposé au salarié et doit se faire sur la base exclusive du volontariat ;
- Le télétravailleur a les mêmes droits et la même protection que les autres salariés qui travaillent dans les locaux de l’entreprise ;
- Le télétravailleur doit être informé en cas d’ouverture de poste sans télétravail correspondant à ses qualifications et compétences professionnelles, poste pour lequel il est considéré comme étant prioritaire.
En outre, les conditions de passage en télétravail et les modalités de retour à une exécution du contrat de travail dans les locaux de l’entreprise doivent être prévues au contrat de travail (ou dans son avenant rédigé lors du passage du salarié en télétravail). En outre, préalablement à la mise en place du télétravail, l’employeur doit consulter les instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT), compte tenu du fait que le télétravail affecte les conditions de travail des salariés.
A défaut, le délit d’entrave serait constitué.
L’un des enjeux du télétravail concerne la disponibilité du salarié. Ce dernier doit rester joignable lorsqu’il travaille à domicile. Cependant, il a également droit au respect de sa vie privée. Un entretien annuel portant sur la charge de travail du télétravailleur doit ainsi être organisé par l’employeur et ce dernier doit fixer, en concertation avec le salarié, les plages horaires au cours desquelles il peut le contacter.
Par ailleurs, l’employeur doit prendre à sa charge les équipements nécessaires au salarié pour l’accomplissement de sa mission en télétravail (matériel, logiciels, abonnements, assurances en cas de perte ou de détérioration du matériel, etc.) ainsi que les frais liés à la communication en tant que telle. Le salarié doit être également informé des conditions d’utilisation y afférentes ainsi que des sanctions en cas de non-respect de celles-ci.
Prévoir une charte pour les employés
Attention toutefois à la protection du patrimoine informationnel et immatériel de l’entreprise. L’employeur est fortement encouragé à mettre en œuvre des mesures techniques, organisationnelles et juridiques pour assurer la protection des données transférées au salarié en télétravail.
Sur le plan juridique, il s’agira notamment d’avoir une charte de télétravail si l’entreprise a régulièrement recours au télétravail ou bien de prévoir des dispositions spécifiques à cette pratique dans la Charte informatique annexée au Règlement intérieur.
Garance Mathias, avocat à la Cour
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