Le numérique a envahi notre quotidien. Entre les smartphones, laptops ou encore tablettes et téléviseurs, les Français ont du mal à détourner leurs regards des écrans. On compte en moyenne 8 équipements par utilisateur. Les technologies associées au numérique donnent l’impression d’être immatérielles, impalpables et hautement virtuelles. Pourtant, une pollution bien réelle se cache derrière elles.
Pour illustrer simplement la pollution des appareils connectés, il suffit de multiplier leur poids par près de seize pour avoir une idée de la pollution qu’ils génèrent. Ces équipements consomment près de 5 fois plus de ressources naturelles que le parc automobile Français. On estime la pollution numérique équivalente au trafic automobile mondial en 2025.
En outre, une étude du Sénat sur la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique a conclu qu’en 2018 l’impact du numérique était de 3,7% des émissions mondiale de gaz à effet de serre et de 4,2% de la consommation mondiale d’énergie primaire. En 2022, cet impact atteint 4% des émissions des gaz à effet de serre (GES) et à 10% de l’électricité mondiale. Enfin, l’étude estime que les émissions du numérique peuvent atteindre 6,7% des émissions de la France en 2040 si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée.
La croissance continue de ces chiffres reflète le suréquipement et la hausse continue des usages. Ces émissions GES sont produites par 3 différentes technologies informatiques majeures. Sur la plus haute marche du podium, et de loin, les terminaux génèrent 80% des GES liés au numérique. Puis, arrivent en deuxième position les data center (15%) et à la troisième place, les réseaux (5%).
En regardant de plus près le cycle de vie des équipements informatiques, la phase de fabrication et de distribution (dite la phase « amont ») est la plus coûteuse en carbone, avec un impact 5 fois plus important que la phase « d’usage ».
La phase de fabrication présente ainsi 79% de l’empreinte carbone des équipements. Cela s’explique d’abord par les opérations consommatrices d’énergie fossile qu’elle génère (comme l’extraction de matières premières), ensuite par le fait que ces matières soient largement importées de pays d’Asie du Sud-Est, d’Afrique et du sud de l’Amérique. Cette phase pèse donc lourdement sur l’ensemble des ressources naturelles. Ce « sac à dos écologique d’un objet numérique », l’ensemble des ressources naturelles nécessaires à sa fabrication d’un produit, englobe : la quantité de matériaux extraits, le pétrole et l’eau utilisée.
En moyenne, les appareils électriques mobilisent 50 à 350 fois leur poids en matières premières. Cela représente 600 kg pour un ordinateur portable, 200 à 250kg pour un smartphone, 1 à 3 tonnes pour un ordinateur de bureau et 500 kg pour une box internet.
La consommation d’énergie sur l’ensemble du cycle de vie d’un ordinateur utilisé pendant 3 ans est de 4 222 kWh. Seuls 34 % de la consommation d’énergie du cycle de vie d’un ordinateur surviennent donc au cours de la phase d’utilisation de trois ans. Le coût énergétique de la phase de fabrication est particulièrement important en raison des coûts énergétiques élevés des semi-conducteurs et de la courte durée de la phase d’utilisation.
Par ailleurs, une fois les équipements arrivés en fin de vie, un traitement des DEEE, déchets électriques et électroniques, est recommandé. Selon les experts du WEEE (Waste Electrical and Electonic Equipement), bien que la plupart des matériaux contenus dans ces appareils soient recyclables et réutilisables, moins de 20% des déchets numériques mondiaux collectés sont recyclés. Ce qui a ainsi pour conséquence de créer une accumulation de déchets, une pollution croissante du numérique et des risques pour la santé.
Entre 2015 et 2020, la quantité des déchets électriques a augmenté 3 fois plus vite que la population humaine.
Pour répondre à ces problématiques, le gouvernement français a récemment lancé un appel à projet « Numérique écoresponsable », visant à soutenir les initiatives qui favorisent la transition vers un numérique plus respectueux de l’environnement et à faire émerger une économie du numérique innovante, circulaire, écoresponsable, compétitive et souveraine. Il s’adresse aux entreprises, associations, collectivités territoriales et laboratoires de recherche qui proposent des projets innovants dans le domaine du numérique écoresponsable.
Les projets éligibles peuvent concerner différents aspects du numérique écoresponsable, tels que : la réduction de la consommation d’énergie des infrastructures numériques, l’éco-conception des produits et services numériques, la gestion responsable des données, la sensibilisation et l’éducation aux enjeux environnementaux liés au numérique.
Cette stratégie s’articule autour de 4 axes d’actions :
- Le développement de la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique et le soutien de la recherche dans le domaine de l’écoconception et de la sobriété des solutions numériques.
- Favoriser l’innovation pour une économie circulaire dans le secteur du numérique, afin de faire de la France un leader de l’écoconception, de la sobriété et de l’allongement de la durée de vie des solutions numérique.
- La création de formations continues et initiales relatives au numérique responsable.
- La sensibilisation et l’accompagnement des différents acteurs dans le cadre de la transformation numérique écoresponsable.
Reste à savoir si l’ensemble des projets retenus seront à la hauteur du défi que représente l’impact carbone et écologique du numérique.
Une tribune signée Raja TRABELSI – Docteur en impact carbone et environnement – SAASWEDO.