Talan a déployé plus de 500 licences Copilot pour Microsoft 365 auprès de ses consultants. Philippe Cassoulat, le directeur général du groupe, revient pour Solutions Numériques sur ce projet et les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour favoriser l’adoption de l’IA générative par les collaborateurs. Pour Philippe Cassoulat, « Copilot demande un accompagnement pour avoir un vrai impact ».
Les développeurs en poste dans les “digital factory” des grands clients de Talan sont aujourd’hui rompus à l’utilisation de l’IA générative. Nombreux sont ceux à utiliser GitHub Copilot depuis des mois et, contrairement à ce que l’on peut croire, cela n’a rien d’une révolution. « L’IA générative se place en droite ligne des outils d’aide au développement qui se sont multipliés ces dernières années, et ce bien avant l’apparition de ChatGPT » estime Philippe Cassoulat, directeur général de Talan. « L’IA générative n’est pas totalement nouvelle pour les développeurs, néanmoins GitHub Copilot a su rapidement se montrer comme un outil efficace. »
Le dirigeant souligne que plusieurs comportements ont émergé vis-à-vis de cette IA générative. Certains se sont immédiatement emparés de l’outil, notamment pour se défaire en partie de tâches qu’ils jugent peu intéressantes. C’est notamment le cas de la rétro-documentation du code. L’IA générative a aussi montré son intérêt pour tester du code. D’autres, notamment ceux qui considèrent l’écriture du code comme un art, se sont montrés moins friands des capacités offertes par ce nouvel outil. « Il y a une population qui s’est littéralement jetée sur l’outil, ce sont les ados qui peuvent créer très rapidement des applications grâce à ces aides au développement. Aujourd’hui, les élèves d’écoles d’ingénieurs que nous rencontrons nous disent qu’ils n’iront pas dans des entreprises qui ne leur donneront pas accès à de tels outils. De « nice to have », l’IA générative est en train de passer au statut de « must have ». »
Une technologie réclamée par de nombreux consultants
Face au phénomène ChatGPT, le groupe a souhaité diffuser plus largement la technologie auprès de ses collaborateurs, notamment auprès de sa population de consultants. « Nous avons choisi de déployer 520 licences Copilot pour Microsoft 365 pour plusieurs raisons. L’année dernière, nous avons fait un sondage avec l’Ifop auprès des français sur l’IA générative. Il est apparu que 50 % des jeunes utilisaient déjà les IA génératives et 68 % le faisaient sans en prévenir leur management. En outre, beaucoup de nos clients se posaient la question de ses usages et certains commençaient à déployer. »
Si Talan possède un centre de recherche et d’innovation qui testait déjà les grands modèles de langages (LLM) du marché de manière agnostique, l’entreprise devait monter en puissance sur le déploiement à grande échelle d’un tel outil et faire partager cette expérience avec ses clients. En outre, de nombreux consultants réclamaient l’accès à Copilot pour faciliter leur travail au quotidien. La décision est alors prise de déployer 520 licences Copilot pour Microsoft 365 auprès des consultants en 3 vagues sur 4 semaines, sur la France et à l’international de manière plus limitée. « On parle souvent du coût de licence, mais un tel déploiement reste un vrai projet, car il faut éployer les licences avec un accompagnement fort, afin que les collaborateurs captent pleinement la valeur de l’IA générative. »
Une direction de programme est mise en place ainsi qu’un accompagnement de type « change management » afin de former et impliquer les collaborateurs dans le projet. Des communautés d’utilisateurs sont créées pour partager les bonnes pratiques. « Nous avons dû aussi traiter les aspects plus techniques du projet : nos infrastructures étaient prêtes, mais il fallait vérifier les impacts du projet sur le plan cyber et sur le plan juridique. En effet, l’outil offre des capacités de recherche étendue dans tous les outils Microsoft, y compris SharePoint. Cela implique d’organiser la donnée, sinon l’outil va chercher partout. Il est nécessaire de vérifier la bonne gouvernance, la bonne application du RGPD et la sécurité des données pour que tous les utilisateurs n’aient pas accès à tout. » Pour le responsable, cette vérification technique, cybersécurité et juridique est un préalable indispensable. Un comité de pilotage regroupant les parties prenantes de l’IT, la R&D, la cellule cyber et le juridique se réunit de manière hebdomadaire afin de mener ce projet à bien.
Un accompagnement particulièrement actif des utilisateurs
Philippe Cassoulat estime que pour que les utilisateurs ne soient pas frustrés par l’outil, ils doivent en comprendre les bases, savoir rédiger un prompt, bien définir le contexte pour que l’IA fournisse la réponse attendue. « Ecrire un prompt, c’est un peu rédiger une “user story”. Il faut dire que l’on est un consultant, que l’on travaille sur tel domaine et que l’on veut un résultat sous telle forme. Quand on sait bien rédiger ses prompts, on obtient de bons résultats et quand vous pouvez vous adosser aux données produites par l’entreprise dans ses outils Microsoft, vous apportez une solution aux problèmes de knowledge management que connaissent toutes les entreprises. »
Une conduite du changement a été mise en place, avec une communauté d’échange chargée d’imaginer les meilleures pratiques sur l’outil, de l’amélioration des prompts et de définir les cas d’usage les plus efficaces. Une communauté d’ambassadeurs composée d’une vingtaine de collaborateurs a été rassemblée. Celle-ci est organisée par technologie : les uns travaillent sur les usages de Copilot sur Teams, une autre sur Outlook, une troisième pour Word et une dernière pour PowerPoint. Ces communautés travaillent sur les cas d’usage les plus pertinents, en analysent les bénéfices dans les conditions réelles et rédigent les prompts. Ces bonnes pratiques et ces prompts sont ensuite partagés dans le cadre du Copilot Club, la communauté des utilisateurs Copilot chez Talan. Chaque semaine, un webinaire présente de nouveaux cas d’usage. « Ces communautés vont rapidement évoluer » souligne le directeur général de Talan. « Nous nous orientons maintenant vers une approche plus centrée sur les métiers. Nous avons des collaborateurs qui font du conseil, d’autres du développement, d’autres encore qui sont des commerciaux… Donc nous allons ajouter une couche métier à notre approche. »
Les cas d’usage restent encore basiques
Actuellement, plus de 60 prompts ont été rédigés par les communautés. Parmi les cas d’usage les plus mis en œuvre par les consultants, le compte rendu de réunion Teams est sans doute celui qui a le plus de succès. « C’est un usage qui fonctionne bien, qui amène à la fois plus de qualité dans les documents et de productivité, estime Philippe Cassoulat. Cela permet aux consultants de se concentrer sur la mise en forme et travailler sur les points particuliers qui méritent plus d’attention. »
L’IA générative a aussi montré son efficacité en “knowledge management”, pour les recherches dans les données internes, avec ce prérequis d’avoir des données bien organisées et bien gouvernées. « Quand un client me demande un Scrum Master de très haut niveau, je peux rapidement trouver la bonne personne dans Teams. Je pouvais le faire dans nos outils RH, mais maintenant une telle recherche est beaucoup plus rapide car je pose toutes mes questions au même endroit et c’est l’IA qui va me chercher la meilleure réponse. »
Autre usage en train d’émerger : le recours à Copilot dans PowerPoint. La communauté a mis à disposition les 5 prompts les plus utiles pour les consultants. Copilot a montré son intérêt pour produire une présentation à partir d’un document Word ou d’une réunion Teams. Par contre, sur Excel, les experts du Club Copilot estiment que Copilot n’est pas encore au niveau des attentes des utilisateurs métier. C’est la raison pour laquelle Copilot n’a pas encore été déployé auprès du contrôle de gestion. De même, Copilot n’est pas encore considéré comme suffisamment performant dans la génération d’image, raison pour laquelle Dall-E reste une meilleure solution actuellement.
Ce ne sont que 10 % des collaborateurs de Talan, qui en compte 5 500, qui ont accès à Copilot pour Microsoft 365 aujourd’hui. Pour l’instant, les licences qui ne sont pas réellement utilisées sont redistribuées aux collaborateurs qui se montrent intéressés.
« Tout le monde n’est pas prêt à utiliser une IA générative dans son quotidien, cela va prendre du temps pour certains, mais nous nous donnons le temps, ce n’est pas un sujet. Nous souhaitons privilégier des usages réels et donner le temps à chacun d’adopter l’outil à son rythme » conclut Philippe Cassoulat.
Alain Clapaud