La stratégie numérique du groupe SNCF repose sur le développement de nombreux projets parallèles tant sur la production que sur les innovations à destination des voyageurs.
« Nous sommes une boîte d’ingénieurs et de techniciens. Le digital est à tous les étages. Le budget dédié au numérique représente 2 Md€, soit 5 % de notre chiffre d’affaires annuel, explique Christophe Fanichet, directeur général adjoint du numérique du groupe SNCF. Le numérique occupe 4 500 collaborateurs. Le groupe possède plus de 20 000 km de fibre optique ultra haut débit qui sont présentes le long des voies et irriguent les gares et les ateliers. Le groupe est partenaire de 300 startups. Mais nous devons être sélectif face au développement technologique : il y a de vraies ruptures comme de fausses promesses. Nous regardons les cas d’usage et trois critères : l’utilité, la sécurité, et la responsabilité numérique, sous-tendue par la souveraineté des actifs et des données, l’empreinte écologique du numérique, et l’inclusivité de tous les publics, parmi nos collaborateurs et chez les voyageurs qui n’ont pas de compétences numériques. »
L’écoconduite pour réduire la consommation d’énergie du train
De nombreux projets sont mis en production chaque année. Certains visent les trains et leur circulation. Ainsi, les nouveaux postes d’aiguillage informatiques Argos, dont la mise en service démarre en 2024, permettent de digitaliser des postes d’aiguillage plus anciens qui utilisent des technologies électromécaniques, électriques, voire mécaniques. Opti’conduite est quant à lui un logiciel d’aide à l’écoconduite des trains développé par un ancien conducteur, Didier Stewart. Il rassemble plusieurs paramètres liés à la circulation des trains (vitesse, position du train, profil de la voie…) pour calculer et indiquer en temps réel au conducteur la vitesse idéale à adopter pour réduire la consommation d’énergie du train jusqu’à 12 %, tout en respectant les horaires. Désormais déployé dans la quasi-totalité des trains et auprès des 12 000 conducteurs, il permet ainsi de réduire la facture énergétique, sachant que le groupe SNCF consomme 10 % de l’électricité industrielle en France, et de prolonger la durée de vie des trains. D’ici fin mars, une nouvelle interface sera déployée, facilitant la prise en main. De nouvelles fonctionnalités intégrant des cas complexes de gestion d’aléas seront développées en 2024. Le reporting associé permet de mesurer la performance de l’outil, les économies réalisées ainsi que la ponctualité en tous points du réseau.
En outre, 100 rames TER sont actuellement équipées de la solution SDOT (Service Digital On Train), plateforme qui réunit différents services comme la vidéoprotection, l’information voyageur ou le comptage des voyageurs. A terme, via les programmes de rénovation, près d’un millier de rames circulant dans 11 régions de France et au Luxembourg en seront dotées.
D’autres projets ciblent les gares. Initié en 2020 par un partenariat entre SNCF Gares & Connexions et Engie Solutions, Smart Station est un outil de supervision centralisée en temps réel des équipements électriques dans les gares. Grâce à des capteurs installés sur les principaux équipements (ascenseurs, escaliers mécaniques, portes automatiques, compteurs énergie, sondes de température de locaux techniques), les agents formés peuvent surveiller leur état en temps réel via une application, et intervenir rapidement en cas de dysfonctionnement. L’outil est déployé dans 650 gares. Les objectifs à terme sont de 700 gares, 6 000 objets connectés et 800 millions de données traitées. L’outil permet d’améliorer la performance énergétique des gares, d’optimiser la maintenance (réduction des coûts d’entretien, anticipation des pannes et interventions plus rapides) et de fiabiliser les équipements, et donc de fluidifier les déplacements en gare. En 2024, l’application devrait également permettre le suivi des consommations d’eau, la télésurveillance et la téléopération des installations d’éclairage, de chauffage, de ventilation et de climatisation des gares.
L’analyse statistique des images vidéo
Entre gares et trains, l’IA ne choisit pas. Après 3 ans de recherche, la SNCF a développé le projet « TNI » (traitement numérique des images), destiné à exploiter éthiquement et en interne les nombreux flux vidéo générés par les dizaines de milliers de caméras présentes dans les gares, les trains et autres emprises de la SNCF. Les clients sont anonymisés dans les vidéos : toute donnée biométrique ou à caractère personnel est effacée grâce à l’algorithme d’IA développé par la SNCF : visage, corps, démarche. L’analyse des flux vidéo permet notamment de produire des données telles que le nombre de personnes dans les trains, leur position dans le train, ou la dimension de leurs bagages, ou, en gare, la trajectoire des voyageurs. L’analyse statistique permettra d’adapter l’offre. Par exemple, en fonction du nombre de personnes dans un TER – dans lequel la réservation n’est pas obligatoire – il sera possible d’adapter la taille des trains (rame simple ou double). L’exploitation des images peut également être effectuée à des fins de sûreté, notamment pour la détection de mouvement de foule. « L’outil a été testé et validé et va être industrialisé », annonce Claire Nicodème, cheffe de projet de recherche, SNCF Holding.
Diminuer le bilan carbone numérique
Enfin, d’autres projets sont destinés aux agents du groupe SNCF. Mon e.Carbone est une application web et mobile pour les sensibiliser afin qu’ils réduisent leur bilan carbone numérique. Chaque agent est en mesure d’établir son bilan environnemental numérique, notamment généré par l’utilisation de son matériel (ordinateur, smartphone…), son volume de données stockées en ligne (documents et mails) et ses impressions. Il peut supprimer depuis l’application les mails volumineux, anciens, les documents en doublon.
L’enjeu est majeur alors que le matériel informatique représente la moitié des émissions du numérique et que la progression du volume de données stockées est l’item numérique générateur d’émission CO2 le plus en croissance. L’application également disponible en open source pour les entreprises qui le désirent.
Christine Calais
