AVIS D’EXPERT JURIDIQUE – Fournisseurs de services managés (MSP) : Maître Alexandra Iteanu, Avocat à la Cour (Numérique, Cybersécurité et Data), revient pour Solutions Numériques / Solutions Channel sur une question épineuse : celle des hausses de tarifs pratiqués par les éditeurs de logiciels, qui ne sont pas parties au contrat entre le MSP et son client.
Avec des activités de plus en plus digitalisées, les entreprises sont tentées d’externaliser tout ou partie de leur services informatiques et de les confier aux mains de sociétés professionnelles, comme les Managed Services Providers (MSP). Ces prestataires informatiques gèrent pour le compte de leurs clients leur système d’information et leur maintenance.
Si confier une partie de ses services à des professionnels spécialisés a de nombreux avantages, notamment la réduction des coûts, cette externalisation présente quand même un désavantage majeur : la perte de contrôle et l’éventuel chaine à rallonge de prestataires sous-traitants.
Il arrive ainsi en pratique très souvent que ces entreprises signent des contrats de licence avec ces MSP qui ne sont, en réalité, que des intermédiaires entre leurs clients et les éditeurs de logiciels.
La question du partage de responsabilité entre ces MSP et leurs partenaires, les éditeurs de logiciel, se pose alors. Une autre question plus épineuse est celle des hausses de tarifs pratiqués par ces éditeurs de logiciels, qui ne sont pas parties au contrat entre le MSP et son client.
La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a donné son avis
Cette question a été posée à la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), qui y a répondu via son Avis n°23-9 du 4 octobre 2023.[1] Un professionnel interroge la CEPC sur sa situation : une entreprise qui souscrit un contrat de licence peut-elle se voir imposer une hausse de son prix lors de son renouvellement tacite, sans avoir eu la possibilité d’y consentir préalablement ?
Une entreprise qui souscrit un contrat de licence peut-elle se voir imposer une hausse de son prix lors de son renouvellement tacite, sans avoir eu la possibilité d’y consentir préalablement ?
La situation rencontrée par l’entreprise correspond à un schéma classique : grand nombre de sociétés font effectivement appel à des MSP, en leur qualité d’intégrateurs, en signant des contrats d’adhésion avec ces derniers, souvent sous la forme de Conditions générales de vente (CGV). Ces intégrateurs, sur le fondement de ces CGV, font payer à leurs clients des licences de logiciels qu’ils intègrent à leur système d’information.
Dans le cas d’espèce, les CGV concluent avec l’intégrateur prévoyaient que le client avait 2 mois pour contester les nouveaux tarifs « publics » de l’éditeur du logiciel intégré, et dénoncer le contrat. Passé ce délai, les nouveaux tarifs de l’éditeur du logiciel intégré s’appliqueraient en cas de renouvellement tacite des CGV.
Cependant, la société cliente n’a pas eu connaissance du tarif « public » de l’éditeur dans ce délai de deux mois, et s’est ainsi vue imposer le nouveau tarif public, qui avait significativement augmenté.
Des types de contrat qui risquent d’imposer des conditions désavantageuses aux clients
La CEPC fonde sa réponse sur l’article L. 442-1 I, 1° et 2° du code de commerce et considère qu’une hausse de tarif d’un contrat de licence logiciel, imposée à une société cliente, sans que celle-ci n’ait pu ni avoir d’information sur le montant de cette hausse, ni la possibilité de donner son consentement, pourrait être assimilé à un « déséquilibre significatif ».
En pratique, et de plus en plus, les contrats de ces intégrateurs sont sous forme de « Conditions générales », que l’on peut qualifier de « Contrat d’adhésion ». Il s’agit de contrats que le client doit accepter en l’état et qui ne sont que difficilement négociables. Ces types de contrats fleurissent chez les MSP, avec le risque d’imposer des conditions désavantageuses à leurs clients.
En conclusion, en reconnaissant qu’une clause impliquant une hausse de tarifs non acceptée pourrait engendrer un « déséquilibre significatif » entre les parties, le CEPC place entre les mains des clients une arme puissante, et devrait alerter côté MSP.
Il devient dès lors important de rédiger des contrats « équilibrés » pour ne pas risquer leur nullité.
Alexandra Iteanu
[1] https://www.economie.gouv.fr/cepc/avis-ndeg-23-9-relatif-une-demande-davis-dun-professionnel-portant-sur-la-legali-te-de-la