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Hymane Ben Aoun, DG d’Humanskills : « L’emploi tech ralentit, mais certains postes restent pénuriques »

Quelles tendances sur le marché de l’emploi tech ? Emplois Numériques a posé la question à Hymane Ben Aoun, directrice générale d’Humanskills, qui regroupe des entreprises de services RH, dont le cabinet de recrutement Aravati qu’elle a cofondé. Elle est aussi présidente de la commission recrutement Syntec Conseil.S i le marché de l’emploi Tech ralentit et la tendance à la hausse des salaires est stoppée, il y a et il y aura toujours des emplois pénuriques, explique la dirigeante

 

Quels facteurs économiques impactent actuellement le marché du travail du numérique ?

Ils sont au nombre de trois. L’inflation et la hausse des tau ont bloqué des projets de levées de fonds des startups et des scaleups. Les fonds d’investissement s’orientent vers des entreprises et des projets plus solides financièrement. Les grands groupes, qui sont d’importants recruteurs, alignent leurs dépenses sur leur croissance à l’international, en berne.

Comment cela se traduit concrètement ?

Le marché de l’emploi Tech est un peu moins pénurique, et la croissance des salaires a été stoppée. Nous remarquons plusieurs signaux du ralentissement du marché. Les candidats seniors nous sollicitent directement, comme dans la période 2011-2019, ce qu’ils avaient cessé de faire de 2020 à 2022. 2022 a été une année exceptionnelle pour le recrutement !

Et beaucoup de recruteurs qui travaillaient en freelance pour des startups souhaitent revenir à un statut salarié.

Quels sont les métiers qui restent pénuriques et ceux qui ne le sont plus ?

Si le ralentissement est conjoncturel, du fait de la pyramide des âges, le marché est structurellement en pénurie de cadres et il y aura toujours des métiers pénuriques. Aujourd’hui, certains postes le restent fortement :

– ceux liés à la donnée : data analystes, data ingénieurs, responsable de la qualité des données, data product owner ;
– le management de projet ;
– le développement ;
– la cybersécurité ;
– les nouveaux métiers de l’intelligence artificielle (IA), comme celui d’human machine teaming engineer, qui est chargé de combiner les équipes et l’IA pour renforcer la productivité. L’IA nécessite des données propres, ce qui renforce la pénurie sur les métiers de la data. Plus largement, l’IA va à l’avenir redistribuer les cartes du marché de l’emploi Tech.

Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas ou peu de difficultés à faire embaucher sur des métiers pénuriques des candidats issus de nos partenaires spécialistes de la diversité et de l’inclusion, comme l’organisme de formation inclusif Simplon ou l’association Sistech qui forme et place des femmes réfugiées dans la Tech.

Le marché est en revanche devenu plus difficile côté candidats au niveau des fonctions commerciales, marketing et communication digitale (expérience client, utilisateur, contenu) et e-commerce (sauf pour la gestion des places de marché).

Toutefois, la grande différence est que même sur des postes pénuriques, les entreprises ne recrutent plus ceux qui font de la surenchère sur le salaire. Car cela impacte la grille de salaires de l’entreprise et les coûts se répercutent sur le client final. En 2021-2022, elles pouvaient embaucher des personnes à 15 ou 18 % au-dessus de leur grille de salaires, c’est fini. Elles préfèrent se retourner vers un consultant freelance pour une mission.

Quelles sont les attentes des candidats ?

Les candidats estiment que le télétravail est une norme. Ne pas offrir la possibilité de télétravailler jette un doute sur la qualité du management. Il est difficile de recruter pour des postes qui sont intégralement en présentiel.

Les jeunes posent aux recruteurs des questions liées à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : quel est votre bilan carbone ? Quels labels RSE avez-vous obtenu ? Certains clients industriels, je pense notamment à un de nos clients dans l’agroalimentaire, peinent à recruter. Des candidats ont décliné l’offre de notre client, certes sur un poste pénurique, pour une questions de valeurs.
Les femmes sont particulièrement vigilantes sur le mode de management, l’autonomie et la flexibilité.

Comment ces attentes influent sur la façon de recruter ?

Les recruteurs doivent communiquer sur leurs valeurs et la qualité de vie au travail. Ils doivent bien traiter les candidats. Et au-delà du recrutement, l’entreprise doit se montrer bienveillante pour retenir les talents.

Les recruteurs, face aux exigences des millenials, ont un regain d’intérêt pour les seniors, qui en ont globalement moins, s’ils s’avèrent raisonnables sur le niveau de salaire. De plus, le débat sur la loi sur les retraites les a placés sur le devant de la scène. Reconnaissons néanmoins que les idées reçues sur le senior moins tech que le jeune ont la vie dure ; il y a encore du travail à faire.