C’est un véritable défilé qui a eu lieu ici, à Lille, lors de la conférence d’ouverture de l’édition 2023 du Forum International de la Cybersécurité (FIC). Si la thématique du salon porte cette année sur le Cloud, les personnalités politiques se sont succédé sur scène pour appeler de leurs vœux une approche européenne de la cybersécurité, autour d’un Thierry Breton engagé plus que jamais dans la cyberdéfense du vieux continent.
“Pas de cyberdéfense sans capacité de dissuasion”, a déclaré Thierry Breton lors de son discours d’ouverture de la 15ème édition du FIC. Et, pour lui, c’est au niveau de l’Europe que cela se joue. D’une part avec une politique de sanction active et directe, mais aussi au travers d’une capacité de réponse offensive, financée notamment par le Fonds européen de défense (FED). Le Commissaire européen au Marché intérieur a exposé à un amphithéâtre plein à craquer (1500 personnes sur place et 5 000 en ligne) les différents projets porteurs de cette ambition de voir se mettre en place un bouclier cyber européen. Un “dôme cyber”, comme il l’a nommé, capable de protéger, détecter, défendre et dissuader. “Nous sommes 445 millions de concitoyens européens contre 330 aux Etats-Unis, ce qui fait de nous le premier marché numérique du monde, a assuré Thierry Breton. Pour nous protéger de la menace cyber, nous avons besoin de technologies de pointe, d’infrastructures sécurisées communes mais aussi d’une coopération opérationnelle, d’une structure de gouvernance accrue et des sanctions effectives.”
L’Europe, numéro un mondial de la réglementation
Protéger comment ? En augmentant le niveau de résilience de notre marché intérieur grâce à une approche technologique et règlementaire. Sur le point technologique, le Commissaire travaille à une feuille de route claire pour cartographier les dépendances du continent en matière cyber afin de concentrer les financements européens nationaux (civils ou militaires) au travers du Fonds européens de défense. “Cela nous permet d’intervenir en amont en matière d’applications et de R&D pour réduire nos dépendances technologiques cyber. Par exemple le cryptage post-quantique”, a-t-il précisé. Sur le point réglementaire, “nous avons déployé notre force d’intervention et d’harmonisation pour remonter les niveaux d’exigence de l’ensemble des États membres. Tout d’abord avec NIS2, qui cadre les exigences de sécurité vis-à-vis des acteurs essentiels dans les secteurs critiques (datacenters, administrations publiques, etc.), et avec le Cyber Resilience Act (CRA), que j’ai porté moi-même en novembre dernier, dédié à la mise en place des exigences minimales de cybersécurité pour tous les produits et logiciels, européens ou non, placés sur le marché intérieur.” A en croire Thierry Breton, nos cousins américains seraient très friands de conseils sur tous ces aspects réglementaires, considérant l’Europe comme très en avance sur ce point.
Vers une cyberarmée européenne de réserve
En matière de détection, Thierry Breton soutiendra devant la Commission, le 18 avril prochain, son projet Cyber Solidarity Act qui cadre la mise en place d’une infrastructure européenne de Security Operationnal Centers, des SOC déployés au niveau européen et au nombre de 6 ou 7. Cela fait partie intégrante de la construction du “dôme cyber” en question et permettra de monitorer tout ce qui se passe sur les réseaux. En matière de défense, le Commissaire a évoqué l’élaboration d’une gouvernance de l’échange d’informations et la création d’une capacité opérationnelle commune de gestion de crise. Une assistance mutuelle au niveau européen. Enfin, “nous allons mettre en place une réserve cyber constituée de plusieurs milliers d’intervenants publics et privés, certifiés de confiance, pour soutenir tout effort de mobilisation en cas d’attaque”, a-t-il conclu.
In Europe we trust
Cette volonté forte de voir une Europe soudée et unie dans la cyberdéfense a été corroborée en ouverture par le Général Watin Augouard, fondateur du FIC : “La plaque numérique est en train de recouvrir le vieux monde et le cyberespace doit nous servir et non nous asservir. Pour faire face à la menace, un État ne peut pas répondre individuellement. Dans le cas de l’Europe, seule l’union fera la force… de l’Union.” Ludivine Dedonder, ministre de la Défense belge, et Carl-Oskar Bohlin, ministre de la Défense civile suédois, sont également venus témoigner de cette volonté à leur échelle nationale et faire part des mesures mises en place pour soutenir cette collaboration transfrontalière.
“In Europe We Trust”, c’est peut-être ainsi qu’aurait dû se nommer cette 15ème édition du FIC, tant l’importance du sujet a été mise en avant lors de cette plénière. Et elle le sera tout au long de l’évènement au travers des différentes conférences et ateliers. L’enjeu est sérieux et une coopération européenne plus que de rigueur. Comme l’a dit très justement le Général Watin Augouard : “Nous pouvons faire les choses ensemble ou échouer tout seul”. A bon entendeur.