Depuis 2011, les tensions au recrutement dans les entreprises de services numériques (ESN) sont 4 à 8 fois supérieures à celles enregistrées tous secteurs confondus. Les ESN représentent 443 000 salariés au sein du secteur du numérique. Le nombre de salariés travaillant dans ces entreprises de prestations de services de programmation et de conseil a augmenté de 55 % en 10 ans, soit une croissance annuelle moyenne de 4,5 %.
Les principales raisons de ces tensions : le manque de main-d’oeuvre disponible, avec un taux de chômage faible sur des métiers « jeunes » qui demandent des compétences technologiques poussées et des diplômes spécialisés, et donc avec un déficit chronique de personnes formées. C’est ce qui ressort du baromètre du cabinet de conseil en management Kyu présenté fin janvier. Il s’appuie sur des données de la DARES, Pôle Emploi et Textkernel (qui analyse les informations de 250 jobboards), ainsi que sur son propre outil de data analyse Komete pour croiser et traiter ces données.
L’intensité des embauches liée à la croissance de l’activité depuis 2021 a accru ces tensions. Les ESN font face à la concurrence sur le marché de l’emploi de grandes multinationales du numérique dont le recrutement sur le marché français est facilité par le recours au télétravail, et d’entreprises d’autres secteurs qui internalisent les fonctions IT.
Les métiers de niveau ingénieur contribuent le plus aux tensions, et ce dans tous les domaines : R&D, gestion de projet, production et développement informatique, maintenance informatique et développement commercial.
Les chefs de projets informatiques et business analystes les plus demandés
Les métiers les plus critiques (ceux sont le nombre d’emplois a le plus augmenté entre le 2e trimestre 2021 et le 2e trimestre 2022) sont dans les domaines du développement informatique, de la gestion de projet :
– plus de 60 % de hausse pour les fonctions de chef de projet informatique et business analyste ;
– entre 40 et 50 % d’augmentation pour les ingénieurs DevOps, développeur C++, chef de projet ;
– autour de 30 % de croissance pour les lead développeurs, ingénieurs commerciaux, architectes de données et développeurs PhP.
Toutefois, sur les derniers mois de 2022, les besoins en emploi des ESN, certes supérieurs au niveau d’avant la crise sanitaire, ont stagné, du fait du ralentissement de l’économie française entraînant une baisse du recours à la prestation informatique. Plusieurs facteurs contribuent à ce ralentissement : la crise énergétique, l’inflation et la guerre en Ukraine.
Forte hausse des offres d’emploi en région
La forte hausse des offres dans plusieurs régions s’explique par la numérisation accrue des territoires et par le recours à des personnes en 100% télétravail, permettant d’embaucher en dehors des bassins d’emploi traditionnels. Les régions Normandie, Bourgogne-Franche-Comté et Occitanie ont connue les plus fortes augmentations du nombre d’offres d’emploi publiées entre les 3 premiers trimestres 2021 et les 3 premiers trimestres 2022.
Fidéliser par différents moyens
Antoine Voyer, consultant senior chez Kyu, analyse ces chiffres : « Aujourd’hui il y a plus de recrutement en CDI et moins en freelance (4 % au 3e trimestre 2022 contre 13 % trois ans auparavant). Les ESN cherchent à fidéliser leur personnel pour faire face à la concurrence. Elles sont plus soucieuses de l’évolution professionnelle et de la formation de leurs salariés, mettent en avant des conditions de travail attractives, notamment en proposant du travail hybride ou du télétravail. Toutefois, les hausses de salaire dans les ESN sont plus contenues que dans les divisions IT grands groupes, notamment du fait du recours plus important aux jeunes diplômés et aux juniors ». Bernard Alberti, associé chez Kyu, ajoute : « L’ESN est une porte d’entrée dans le secteur du numérique pour les juniors. » Ainsi, l’indice de salaires de juin 2017 à juin 2022 s’est accru de 9,9 % pour les postes de technicien ou cadre en ESN (également 9,9 % pour les seuls emplois cadres en ESN).