La CNIL s’est prononcée le 8 décembre 2022 sur le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et publie ce jour son avis qui présente des enjeux forts en matière de protection des données personnelles et de vie privée. Projet qui introduit notamment la possibilité de mettre en œuvre, à titre expérimental, des caméras dites « augmentées ».
Dans le cadre du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, la CNIL a examiné l’ensemble des dispositions et relevé plusieurs enjeux majeurs liés à la protection des données et la vie privée des personnes :
- l’autorisation de l’examen des caractéristiques génétiques ou de la comparaison d’empreintes génétiques pour les analyses antidopage ;
- la mise en conformité du code de la sécurité intérieure (CSI) avec le RGPD et la directive « Police-Justice » ;
- l’utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées par des dispositifs de vidéoprotection ou des caméras installées sur des drones (appelés également « caméras augmentées ») afin de détecter et de signaler en temps réel des évènements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes ;
- l’extension des types d’images de vidéoprotection que les agents des services internes de la SNCF et de la RATP peuvent visionner lorsqu’ils sont affectés au sein des salles d’information et de commandement relevant de l’État ;
- l’élargissement de la procédure de « criblage » prévue par le CSI aux fan zones et aux participants aux grands évènements ;
- la possibilité de mettre en place des scanners corporels à l’entrée de certains évènements.
Mettre le code de la sécurité intérieure avec le RGPD et la directive « Police-justice »
La CNIL a rappelé à plusieurs reprises que plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure (CSI) étaient obsolètes depuis l’évolution de la réglementation en matière de protection des données personnelles en 2018. Le projet de loi prévoit que les enregistrements visuels de vidéoprotection respectent les dispositions applicables en matière de protection des données personnelles. Une réforme plus globale des traitements des images dans les espaces ouverts au public sera cependant nécessaire pour sécuriser les acteurs et encadrer les usages. De plus, le CSI devra être complété pour prévoir un encadrement au niveau réglementaire de l’ensemble des droits des personnes concernées.
Création d’un cadre d’expérimentation pour des caméras
« augmentées »
Le projet de loi crée un cadre expérimental permettant le recours, dans certaines conditions, à des traitements algorithmiques sur les images captées par les dispositifs de vidéoprotection ou des drones. Il doit permettre d’assurer la sécurité d’évènements sportifs, festifs ou culturels exposés à des risques d’atteintes graves à la sécurité des personnes, notamment de nature terroriste. Ces traitements comportent des systèmes d’intelligence artificielle (IA), appelés « caméras augmentées ». Ils auront pour objet l’analyse automatique des images en temps réel, par des algorithmes, pour détecter des évènements prédéterminés, par exemple la détection de mouvements de foules, de bagages, de gestes ou de comportements suspects, etc. Le recours à ces dispositifs soulève des enjeux nouveaux et substantiels en matière de vie privée : ces outils d’analyse des images peuvent conduire à une collecte massive de données personnelles et permettent une surveillance automatisée en temps réel. Le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs constitue un tournant qui va contribuer à définir le rôle général qui sera attribué à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle. Dans sa position, publiée en juillet 2022, la CNIL avait appelé à fixer des lignes rouges pour ce type de dispositifs et proposé des pistes pour fixer un encadrement adapté s’ils devaient être utilisés pour certains cas d’usage.
Les garanties prévues par le projet de loi permettent de limiter les risques d’atteinte aux données et à la vie privée des personnes et vont dans le sens des préconisations formulées par la CNIL dans sa prise de position sur les caméras augmentées de juillet 2022 :
- un déploiement expérimental ;
- limité dans le temps et l’espace ;
- pour certaines finalités spécifiques et correspondant à des risques graves pour les personnes ;
- l’absence de traitement de données biométriques ;
- l’absence de rapprochement avec d’autres fichiers ;
- l’absence de décision automatique : les algorithmes ne servent qu’à signaler des situations potentiellement problématiques à des personnes qui procèdent ensuite à une analyse humaine.
Analyses antidopage : ses tests intrusifs autorisant l’examen des caractéristiques génétiques
L’article 4 du projet de loi vise à autoriser l’examen des caractéristiques génétiques ou la comparaison des empreintes génétiques du sportif en prévoyant de nouvelles dérogations au code civil, à des fins de lutte contre le dopage. Le gouvernement souhaite, par ces mesures, transposer les dispositions du code mondial antidopage dans le droit français, en vue de l’organisation des Jeux olympiques. Si la transposition du code mondial antidopage est nécessaire, la CNIL a souligné qu’il s’agirait de tests particulièrement intrusifs, qui dérogent de façon importante aux principes encadrant actuellement les analyses génétiques dans le code civil. Elle a par ailleurs appelé le gouvernement à préciser les modalités d’information et de recueil du consentement du sportif.
Hélène Saire