Accueil Cybercriminalité 500 millions de comptes utilisateurs Yahoo piratés : un agent piloté par...

500 millions de comptes utilisateurs Yahoo piratés : un agent piloté par un Etat mis en cause

Plus de 500 millions de comptes d’utilisateurs piratés : un espionnage, ou un sabotage, d’Etat selon Yahoo.

Le portail Internet Yahoo !, qui devrait être racheté par l’opérateur télécoms américain Verizon pour 4,8 milliards de dollars environ, continue d’attirer un milliard de visiteur chaque mois sur ses différents sites et applications : messagerie, moteur de recherche, hébergement de photos, actualités, achats, etc. Hélas pour ces derniers, une fuite de données concernant des centaines de millions d’entre eux, que le site Recode avait annoncée, vient d’être confirmée par Yahoo. En août dernier déjà, Yahoo avait diligenté une enquête sur des fuites de données concernant 200 millions de comptes et vendues en ligne…

Un piratage sous l’égide d’un Etat ?

Cette fois, il s’agit de ” 500 millions de comptes utilisateurs ” ” piratés fin 2014 ” par un « agent piloté par un Etat » selon les termes de Yahoo, qui a publié une alerte à ce propos. Qui exactement, pourquoi, comment ? Le portail n’apporte aucune précision à ce sujet. Mais il indique que ses investigations n’ont pas pu démontrer que cet « agent piloté par un Etat soit toujours actif sur son réseau ». « Le moment choisi pour annoncer cette violation est curieux, estime J. Paul Haynes, DG de eSentire, une startup canadienne spécialisée dans la cyebrsécurité, étant donnée la vente en cours de Yahoo ». Avant d’affirmer qu’il est prématuré de porter le blâme sur un attaquant parrainé par un État. A ses yeux, c’est « une pente glissante » pour Yahoo, qui n’a pas les moyens de prouver ses propos. Ni Yahoo ni les enquêteurs n’ont de « dossier complet » à ce jour, selon lui.

Jeremiah Grossman, responsable de la Stratégie de Sécurité chez SentinelOne (spécialiste de la protection des endpoints), et précédemment « infosec officer » chez Yahoo pendant deux ans, s’interroge : « Les attaquants opérants pour un État ne partagent généralement pas publiquement des données volées, ni ne les vendent, comme c’est le cas avec le groupe de pirates “Peace of Mind” qui cherche à faire des profits. Peace of Mind était sur le point de vendre les données qu’il a dérobé à Yahoo, il est donc peu probable qu’il ait été parrainé par un État. Et si toutefois c’était le cas, cela pourrait signifier que nous pourrions avoir potentiellement affaire à deux cas de piratage différents de Yahoo avec deux groupes de pirates qui auraient accédé à leur système. »

Il ajoute qu’en termes de motivation visant à expliquer pourquoi un État pourrait cibler Yahoo, « il y a des parallèles entre cette affaire et les attaques ayant ciblées Google en 2010 lors de l’opération Aurora. Je dirais que l’État belligérant qui ciblerait des réseaux tels que ceux de Yahoo le ferait parce que le groupe représente une source précieuse d’informations sur la stratégie potentielle de votre adversaire. Si vous êtes un État et que vous souhaitez déterminer si l’un de vos espions en activité a été découvert, vous mettez des robinets sur Google, Yahoo, Microsoft, etc. plutôt que sur les réseaux gouvernementaux. Bien sûr, il y a toujours la motivation de pouvoir nommer des dissidents politiques. »

Des questions sur la sécurité même de Yahoo

Noms, adresses mails, numéros de téléphone, dates de naissance et mots de passe chiffrés, et dans certains cas questions de sécurité cryptées et non cryptées auraient été dérobés selon Yahoo. Mais pas de données bancaires (numéros de carte de paiement ou informations de compte) ni mots de passe non-protégés, soutient le portail. Pour Jeremiah Grossman, l’efficacité de la sécurité de Yahoo elle-même peut être mise en doute . ” En raison de la taille de Yahoo, le groupe a souvent dû compter sur des solutions technologiques propriétaires car, historiquement, peu de produits sur le marché sont capables d’évoluer pour répondre aux exigences de leur système. Il se pourrait que cette approche ait créé des lacunes au sein de leur programme de sécurité car Yahoo! n’est pas en mesure d’utiliser les produits de sécurité de pointe conçus pour contrecarrer les menaces actuelles “, analyse-t-il. Par ailleurs, il estime qu’il y a  encore beaucoup de questions sans réponse pour le moment, ” la plus grande étant que si nous savons que les informations ont été volées fin 2014, en revanche nous ne disposons d’aucune indication quant au moment où Yahoo a appris ce piratage. ”

Les hackers ont-ils utilisé le propre chiffrement de Yahoo contre lui ?

Kévin Bocek, VP Threat Intelligence and Security Strategy chez Venafi, un spécialiste de la protection des clés et certificats a, lui, la quasi-certitude ” que les hackers ont utilisé le propre chiffrement de Yahoo contre lui. Il est impossible que toutes ces données puissent être volées sans le chiffrement déjà utilisé pour obtenir les données du réseau Yahoo. Si cela n’avait pas été le cas, les alarmes auraient sonné haut et fort. Fait inquiétant, c’est probablement pour cette raison que Yahoo ne saura pas si les hackers sont toujours actifs ou présents dans son système informatique comme ils pourraient utiliser le chiffrement pour paraître dignes de confiance et avoir le droit d’être dans le réseau Yahoo. On peut se demander si Yahoo a remplacé ses clés de cryptage et ses certificats – si cela n’a pas été fait complètement, les 500 millions de comptes utilisateurs ne seront que la partie visible de l’iceberg et dans les prochaines semaines nous entendrons parler d’autres données et systèmes qui ont été compromis “.
Alerte de sécurité Yahoo
Yahoo recommande sur son site aux utilisateurs « d’invalider les questions et réponses de sécurité afin qu’elles ne soient pas utilisées pour accéder à un compte, et de changer leurs mots de passe ».

Une communication brouillée

Hervé Schauer, le directeur général du cabinet de consultants en sécurité informatique HSC, souligne de son côté « des éléments surréalistes » communiqués par Yahoo, mettant l’accent sur le piratage de 2012 qui avait été mal géré, avec de nombreuses enquêtes rendues tardivement au public, des chiffres de comptes piratés qui varient de 200 à 500 millions… Pour lui, la communication de Yahoo est totalement brouillée. « Un tel amateurisme mériterait des sanctions », nous confie-t-il.

Verizon, qui a indiqué fin juillet vouloir racheter le portail Internet pour quelques 5 millions de dollars, a précisé le 22 septembre avoir été notifié de cette fuite durant ces deux derniers jours. Mais l’opérateur téléphonique n’a pas souhaité communiquer sur une possible remise en cause de cette acquisition, et attend d’en savoir davantage sur l’enquête en cours.